16/09/2009

Conclusions provisoires et personnelles... sur la situation politique


En 14 jours de mission officielle, plus quelques autres… nous sommes allés dans les principales villes de Cisjordanie, plusieurs villages, plusieurs lieux de Jérusalem-Est, et même un peu en Israël. Nous avons parcouru avec nos guides plus ou moins improvisés des centaines de km sur les routes… Avons vu le Mur sous plusieurs formes, les immenses colonies comme Ariel, et les petits camps de cow boys ou de colons russes perdus dans le désert, les terres épuisées des Palestiniens et les plantations luxuriantes des Israëliens…
Et nous avons vu si peu.

Nous avons eu la chance de discuter avec des dizaines de Palestiniens. Pour moitié des gens engagés, par leur militantisme, par leur travail, ou tout simplement par leurs actes de résistance quotidienne à l’oppression. Mais aussi des gens de la rue. Des jeunes et des vieux, très vieux même…
Et nous en avons rencontrés si peu.

Mais assez pour essayer une conclusion personnelle…



Israël, criminel de masse qui s’assume

Nul besoin d’être un journaliste expérimenté pour savoir ce qui se passe en Palestine. Pour comprendre en quoi consiste la politique d’expulsion, d’occupation, de colonisation et d’apartheid (les 4 piliers du sionisme), il suffit juste de regarder et de commencer à parler avec quiconque dans la rue. Chaque Palestinien que nous avons croisé avait un traumatisme à nous raconter :
la fuite devant les massacres (Mohammed du camp de Fara), l’assassinat barbare d’un membre de sa famille (Mahmoud), l’expulsion de sa maison (Nadia), la prison (Layali), les privations d’eau (village de Qarawa), l’encerclement (l’ancien de Zacharia), la perte de son travail (vallée du Jourdain), la torture (Ahmed), les tirs des colons (pompiers de Naplouse), les humiliations et les insultes (Hébron), le tabassage (jeune de la vieille ville de Jérusalem), l’empoisonnement (bédouin du Neguev), les incursions nocturnes (Mohammed d’Arrub), les insomnies forcées (Eyad), l’arrachage des arbres (Mahmoud), les tirs de grenade lacrymogène (enfants de Bil’in)…

Tout cela n’est pas caché par Israël. Non seulement c’est assumé, mais une partie de ces crimes sont tout simplement revendiqués par l’idéologie sioniste. Pour cet état qui vise à rester une nation réservée au peuple juif, mais sur un territoire toujours plus grand, l’expulsion des populations arabes et la colonisation sont des moyens logiques de faire de la Terre Sainte le « Grand Israël » dont ils rêvent. Cela s’appelle scrupuleusement du nettoyage ethnique. Basé sur l’expansion démographique et géographique. Les bantoustans, ces îlots d’« autonomie » palestinienne, ne sont pas la reconnaissance d’une légitimité nationale pour les Palestiniens, mais des moyens d’isoler le peuple arabe des juifs et entre eux, pour mieux l’asphyxier ou le faire fuir en attendant une vraie nation purement juive.
Aujourd’hui Israël n’a toujours pas fixé officiellement ses frontières… et pour cause !



La Palestine, où juste le droit de vivre chez soi

Notre groupe de Français est arrivée avec une vision très politique du conflit. Les premiers jours, nous avons décortiqué avec attention la carte de la Cisjordanie pour comprendre où était positionné Tsahal, la place de l’autorité palestinienne, la différence entre les zones A, B, C… On voulait en savoir plus sur les relations entre le Fatah et le Hamas et les positions partisanes de la population. On s’interrogeait sur l’emplacement exact du Mur, la stratégie derrière l’ouverture des checks-points… On posait systématiquement la question à nos interlocuteurs : « mais alors, vous êtes pour 2 états ou un seul ? »
Et puis on a compris. A force de haussements d’épaules et de sourires tantôt attendris, tantôt exaspérés : pour les Palestiniens que nous avons rencontrés, c’est clair : toute la Palestine est aujourd’hui occupée. Depuis 1948, le message d’Israël est sans ambiguïté : « Maintenant c’est ici chez nous. Partez ! ». Que la communauté internationale l’ait officialisée (en 1948 lors de la création d’Israël) ou qu’elle la conteste (à Jérusalem), l’occupation est omniprésente. Partout Tsahal est présent. Partout les colons investissent les lieux. Partout les arabes sont chassés dès que possible. Pour les petites enclaves des villes de Cisjordanie où normalement Israël n’a pas droit de cité, c’est l’autorité palestinienne qui fait le jeu de l’occupant en jouant à la « normalisation » et en faisant soi-même la chasse aux résistants du Hamas.
Dès lors, la question d’un ou de deux états pour les juifs et les arabes de la Terre sainte ne se pose pas. D’ailleurs, il m’a semblé que les Palestiniens ne sont pas vraiment nationalistes. Leur identité nationale ne s’est constituée que par leur résistance nécessaire à l’Israël prédateur. Ce qui compte pour les Palestiniens, c’est juste de rester ou rentrer chez eux. Au moins de s’en voir reconnaître le droit. Et vivre chez eux dans un état démocratique. Si c’est avec des Juifs, pourquoi pas ? Plusieurs Palestiniens ont fait référence à leur bonne coexistence avec les Juifs avant la Nakba (et même encore maintenant pour ceux qui sont restés dans le camp des Palestiniens) : Mohammed du camp de Fara, le vieux du village de Zacharia, Mahmoud de Ma’ssara, le professeur rencontré chez les Samaritains. Un ou deux états ? dans tous les cas le résultat doit être le même : en Israël ou en Palestine, les juifs et les arabes pourraient y vivre tranquilles, y voter démocratiquement et bénéficier de droits égaux.




Face à cet enjeu, les divergences partisanes sont minimes et jamais je n’ai entendu un Palestinien en critiquer un autre sur la base de l’appartenance à un parti. Leur message était assez unifié : les divergences entre les partis ne sont pas idéologiques, elles sont tactiques. Des partisans du Fatah et du Hamas se trouvent dans les mêmes familles. Cela ne veut pas dire que les élites de ces partis ne se plantent pas des coups de couteau dans le dos, les histoires de quêtes de pouvoir et de corruption des élites sont partout les mêmes, et l’autorité palestinienne est royalement instrumentalisée par Israël pour cela. Mais nous avons entendu que la « base » palestinienne, elle, reste concentrée sur les objectifs à atteindre : la Justice.
Cela fait réfléchir : en France, on focalise tellement sur la scission entre le Fatah et le Hamas… même s’il y a une part de vérité, c’est là une belle aubaine politicienne pour Israël et ses alliés pour déconsidérer les résistants palestiniens et délégitimer l’unité du peuple palestinien. N’essayons pas de spéculer et fantasmer sur la taille et la couleur des voiles que les femmes porteraient si la Palestine avait un vrai état ! On en est loin, en attendant, ne cédons pas à cette diversion
Cette scission entre les dirigeants palestiniens, cela veut surtout dire autre chose : aujourd’hui le projet palestinien est très mal en point. Des accords d’Oslo traîtres et trahis depuis le premier jour (pour ceux qui croyaient à la bonne volonté d’Israël de céder une partie du territoire conquis par les armes), une résistance exténuée, un territoire totalement morcelé, un peuple disséminé… sans parler de tout ce que nous n’avons pas vu à Gaza et toutes les séquelles gravissimes du massacre de civils emprisonnés chez eux, pour qui on laisse entrer chaque jour juste-ce-qu’il-faut-pour-survivre et en fonction des excédents des productions israéliennes.


J’ai vu un film samedi dernier sur ces massacres, les pires images que j’aie jamais vues… cadavres déchiquetés, brûlés, méconnaissables… mais la pire image fut celle d’un grand ciel bleu où des avions israéliens s’amusaient à faire des loopings dans le ciel en dessinant des rubans et des caractères hébreux au dessus des maisons fumantes. Cela m’a rappelé plusieurs Palestiniens qui nous ont parlé de ces tee-shirts que portent certains colons, avec le dessin d’une femme enceinte sur le ventre de laquelle est dessiné une cible avec écrit « 1 balle, 2 morts »… L’ironie la plus noire fait donc aussi partie des armes israéliennes pour narguer et démoraliser les Palestiniens.
Mais ce n’est qu’à leur propre dignité qu’ils font ainsi du mal.

1 commentaire:

  1. Magali,
    Bravo pour tes reportages... ton engagement...
    Je comprend ta révolte sur les situations humaines ou plutôt inhumaines dont tu as été témoin en Palestine et témoin engagé et que tu souhaites nous faire partager... Que tu partages aussi avec des ami-e-s commun-e-s sur Facebook... Récit etc...
    Je suis allé comme je te l'ai dit 2 fois en Palestine et Israël ( egalement des incursion au Sinaï (Egypte) et Petra (Jordanie)...
    Je comprend ce que tu trouves indéfendable dans le sionïsme (et ses 4 piliers)
    Mais que penses-tu de la Paix et des conditions d'y arriver... L'Etat d'Israël et celui de Palestine ont été créés suite à une décision de l'ONU ( j'étais déja né!)Crois-tu que cela doit être remis en cause ou crois-tu que les deux états doivent exister? Pour moi cela me parrait maintenant une évidence, il faut donc que les conditions d'un état réel soit fait pour les palestiniens... Mais cet accord ne pourra se faire qu'avec une garantie de sécurité réciproque... Tsahal ne devant pu faire de massacres, mais uniquement faire de la sécurité comme devrait le faire ce qui devrait succéder à l'Autorité palestinienne avec un Etat réel!
    Dès lors tu dit avoir été en Israël... Y as-tu eu des interlocuteurs? Si oui, lesquels... Comment envisagent-ils la Paix Puisque cette Paix ne peux que se faire à deux! Je comprend que ce que tu as vu te révoltes... Mais maintenant que proposes-tu pour faire cette paix?
    Là il nous manque des éléments
    Peut être à samedi... A récit...
    Amitiés..
    A suivre...
    @+
    JD

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