10/08/2011

De Walaja à Zawata



10 août. Une manifestation est prévue à la dernière minute à Walaja, le village entouré du Mur que nous avons visité l’autre jour. Malheureusement je manque le rendez-vous pour s’y rendre avec Pierre, Ur, Ella et ROR Jérusalem. Une malencontreuse croix mal située sur un malheureux plan… Pierre me racontera plus tard :
la manifestation a commencé en bas du village, près du vieil olivier que nous sommes allés voir, sur la route en terre qui prépare le Mur. Trois bulldozers y sont stationnés près des arbres arrachés, arrêtés par les soldats parce qu’en zone militaire. Une cinquantaine de personnes participent à la manifestation, dont une vingtaine de Palestiniens. Les soldats ont repoussé les manifestants à travers les oliviers à l’aide de grenades lacrymo. Les gens se sont retrouvés à remonter la pente en courant pour commencer un sitting à l’entrée du village. Alors qu’ils étaient calmes et que certains commençaient à partir, les soldats ont soudain chargé et tout le monde s’est remis à courir. Ur a été arrêté, ainsi que 6 autres personnes. Les jeunes lançaient des pierres depuis les maisons, en riposte à une avalanche de bombes lacrymo. Les manifestants se sont réfugiés et calfeutrés dans les maisons le temps que les soldats sortent du village. Ur, comme tous les Israéliens arrêtés dans ce genre d’occasion, sera relâché quelques heures plus tard.

Vidéo de l’action :



Je rejoins Pierre et nous partons pour Naplouse. J’ai un souvenir particulier de cette ville il y a deux ans. Durement réprimée au moment de l’intifada, elle sortait à peine de son traumatisme, ville fantôme où recommençait à vivre doucement les commerces.


Deux ans après, je ne la reconnais pas du tout. Nous atterrissons dans un magnifique marché aux légumes où nous attendons notre hôte du jour. Il s’agit d’Ahmed, que je connais par le restaurant qu’il tient depuis plusieurs années à Paris près de mon boulot. Il est cet été de retour dans sa famille et nous accueille, Pierre et moi, à bras ouverts, chez sa maman au village de Zawata qui est dans le faubourg des hauteurs de Naplouse. Très vite il nous raconte la situation de la ville et des gens ici, qu’il redécouvre après plusieurs années d’absence (et qu’il a fait découvrir à ses filles adolescentes).


Naplouse a été détruite plusieurs fois. Il y a beaucoup de camps de réfugiés, c’est la ville la plus enserrée par les Israéliens au niveau économique. Le village de Zawata produisait beaucoup d’aliments pour Naplouse, et en livrait par solidarité aux gens de la ville qui étaient sous couvre-feu. Il y avait beaucoup de troc alimentaire entre fruits, légumes, pigeons, lapins… les gens étaient auto-suffisants.
Cela a bien changé : A Naplouse, nous dit-il, il y a au moins un policier dans chaque famille. 90% des gens ont des crédits. La 17e personne la plus riche au monde est d’ici. D’ailleurs, deux familles ont tout l’argent ici. La corruption va croissante. C’est le capitalisme flamboyant. On trouve facilement de la drogue, d’ailleurs les gens en parlent facilement (surtout à Jérusalem).


Ahmed nous emmène arpenter les rues de son village et nous explique les transformations du paysage dues à la colonisation, les routes privées d'accès...

 Il s’arrête soudain et tend le bras pour nous montrer la zone : « Ici, quand j’étais jeune, c’était le Paradis.

Il y avait une rivière qui coulait là, avec des oiseaux, du fromage, des figues... Les colonies ont pris toute l’eau. Voilà ce qu'il en reste. »


Nous passons devant une exploitation de vaches très à l’européenne, installée par une des grandes familles capitalistes en dehors de toute cohérence culturelle et environnementale.


Nous fêtons l’iftar chez sa sœur et sa famille, un beau moment de partage, avec un magnifique knafé, la spécialité locale ! 


La sœur et le beau-frère d’Ahmed ont perdu un fils dans le maquis, tué à coup de grenade, le bras déchiré. Il avait 19 ans. Il y a deux grands et beaux portraits de lui dans la maison. 


Ils nous montrent aussi les photos de l’incendie des oliviers il y a 10 jours dans le village. Incendie causé par l’armée avec ses grenades. Jusqu’à il y a quelques mois, l’armée venait régulièrement rôder dans le village. Ils occupent des maisons pendant des mois. Les familles qui ont un martyr sont interdites de circulation par exemple pour aller à Al Quds-Jérusalem. Et même si un Palestinien a une autorisation pour aller quelque part, le soldat à la frontière peut décider de lui interdire quand même le passage.
Ahmed nous parle aussi des échanges entre Palestiniens et juifs avant les accords d’Oslo, où la situation était selon lui confortable.

Pas facile de communiquer avec la maman d’Ahmed qui nous accueille gentiment chez elle. Des sourires, des gestes, cela suffit pour s’apprécier.






Le lendemain nous visitons le vieux Naplouse. Ahmed se désole de voir la magnifique vieille ville désertée, le cœur d’activité économique de la ville s’étant désormais déplacé vers le nouveau marché. L’horloge, les épices, le savon… Nous passons à côté de l’ancienne Muqata (palais « présidentiel ») et nous rendons en taxi en haut de la colline près de la propriété ostentatoire d’un des grands bourgeois de la ville. De là, nous allons vers le village des Samaritains où un habitant, qui se révélera guide par la suite, nous emmène voir des vestiges selon ses dires prestigieux : une église byzantine octogonale de 1300 ans ; à côté, la mosquée de Saladin ; et rien de moins que le lieu du sacrifice d’Abraham : une grande pierre protégée par une grille.


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