06/08/2009

Démolition, vol et reconstruction de maisons

Cette journée fut d'une intensité incroyable, nous avons tous du mal à nous en remettre.
Les 9 membres du groupe se sont retrouvés hier dans l'après-midi, au gré des ballades dans la vieille ville (belle belle vieille vieille ville...), et puis tous ensemble à 17h au RV prévu. Le temps d'un long calage logistique (passeports, téléphones, organisation) et voila, la mission est lancée !

Ce matin nous sommes allés a Anata (orthographe ?). Un petit topo géopolitique s'impose : ce village se situe à la frontière Nord de Jérusalem, en Cisjordanie. Il s'agit donc d'un village palestinien qui est en train d'être encerclé par un mur afin d'isoler les habitants, les asphyxier et les obliger à fuir.
Un autre mur est celui qu'Israël construit à la frontière de Jérusalem-Est pour couper les Palestiniens de Cisjordanie des Palestiniens de Jérusalem-Est et ainsi officialiser l'annexion de cette dernière. Pour plus de détails voir ici. Bref, en tout cas si vous ne comprenez pas bien tout çà retenez juste qu'Israël construit des murs partout pour séparer non seulement Israël des territoires, mais surtout les Palestiniens les uns des autres afin de scinder les familles, les villages, et donc l'économie et la résistance. Et pousser au départ toujours et encore.
Stratégie complémentaire : les expropriations. Les autorités israëliennes utilisent tous les moyens pour exproprier les Palestiniens de leur maison. Ce matin il s'agit d'une maison qui a été purement et simplement démolie par les bulldozers israëliens, comme celle-ci en 2007.
Nous retrouvons donc un chantier de volontaires internationaux organise par l'ICAHD, association israelienne contre la demolition de maisons
Nous donnons un coup de mains sur le chantier et prenons beaucoup de photos, notamment du Mur, bien visible d'ici (photos dispos plus tard). Voici une entrée en matière extrêmement concrète, même si la prise de contacts avec le groupe des internationaux est assez sommaire.
Nous discutons avec Younes, le propriétaire de la maison, 65 ans, qui nous apporte des bouteilles d'eau fraiche sans relâche. Combien de fois a-t-il reconstruit cette maison ? Combien de fois le refera-t-il encore ?

Et puis Mourad qui, au village, nous prête son PC pour une connexion internet : Réfugiée de Hébron en 1948, sa famille se retrouve aujourd'hui coupée en 2. Lui vit dans la "prison" de Cisjordanie, toute sa famille est à Jérusalem-Est, en territoire annexe. Ils n'ont donc pas la même "ID" (carte d'identite), ce qui veut dire qu'il ne peut pas aller voir sa famille. Tous les Palestiniens qui vont en Cisjordanie pour y séjourner, ou simplement pour y étudier, courent le risque de s'y trouver littéralement enfermés en étant déchus de leurs droits de résidents israéliens.
Enfin, Sahar, salariée de l'ICAHD, et refuznik, c'est-à-dire qu'elle a refusé de faire son service militaire (2 ans pour les filles, 3 pour les garçons). Elle a fait 2 mois de prison pour cela. Elle a 19 ans.

Déjeuner au campement des volontaires, puis nous rentrons sur Jerusalem. Pas facile de prendre tous ses repères dans cette pourtant assez petite ville, et dont les différents quartiers (juif, chrétien, arabe, arménien) sont très caractérisés... On est donc bien en retard a notre 2e RV de la journée.
Nous sommes a Sheikh Jarrah, un quartier de Jérusalem-Est, tout près de la vieille ville. Pour résumer, ici se sont 10 familles, soit 56 personnes, qui ont été expulsées de leur maison. Les menaces d'expulsion se font pressantes, sous des arguments tous plus tordus les uns que les autres après de longues batailles juridiques perdues d'avance. Un matin les familles se font tirer du lit très violemment par équivalent des CRS français (si j'ai bien compris) et se retrouvent dehors en quelques minutes, devant les témoins et médias internationaux. Dans l'heure, des colons s'installent dans la maison (sans aucun droit aucun) et l'occupent directement.
Nous sommes donc ici devant ces maisons, aux côtés des familles qui vivent, mangent et dorment sur le trottoir d'en face avec la solidarité d'autres arabes et des internationaux qui se relaient. Des bébés aux anciens, tous sont là.
Rima nous accueille et nous explique tous les détails des processus vicieux amenant à ces tragédies. Linda, la maman de la première maison, nous raconte d'autres détails. Sa nièce, 20 ans, le bras en écharpe pour avoir été battue par des soldats ou des colons israéliens, nous explique la difficulté de se rendre tous les jours à l'universite en Cisjordanie, parfois 4h à passer au check-point ! Elle dit aussi le besoin qu'ont les enfants de parler de ce qu'ils ont vecu, de l'expulsion, comme un exutoire nécessaire.
Mais le grand choc pour beaucoup d'entre nous, ce fut la 2e maison. J'en tremble à l'idée d'écrire dessus, mes mots ne seront de toute façon pas à la hauteur de l'émotion. Expulsés il y a 4 jours, c'est le premier jour ou la police ouvre l'impasse dans laquelle elle se situe. C'est donc le premier jour ou des internationaux peuvent rejoindre la famille concernée. Imaginez, vous entrez dans une rue large de 6m environ. A droite une maison un peu cachée derrière un portillon et un grillage. Elle est occupée par une famille de colons, des juifs orthodoxes. Sur le trottoir d'en face, une quarantaine de personnes, hommes, femmes et enfants, debout ou assis sous un abri de fortune. Les enfants jouent dans la rue, comme tous les enfants, comme n'importe quelle rue. Des voitures de police sont près du trottoir de la maison spoliée, et de chaque bout de la rue.
Quand nous arrivons, avec nos carnets et nos appareils photos, nous attisons l'excitation des enfants. Des colons arrivant à leur maison, les enfants les approchent en les narguant, une fillette leur crache dessus. A peine savent-ils marcher que les petits bouts montrent leur maison du doigt en criant, vont vers le portillon, tournent autour des voitures de police.
Le propriétaire de la maison est d'une chaleur incroyable avec nous, un autre nous explique tout de long en large... Nous prenons beaucoup de photos, de films, l'ambiance est très forte, malgré tout à la bonne humeur. Certains essayent de parler aux policiers qui "don't speak english".
Deux chevaux traversent alors la rue au galop, l'image est totalement surréaliste (Manuella en avait d'ailleurs fait le rêve avant de partir). Ils manquent de percuter des voitures de police au bout de l'impasse, reviennent vers nous, vont et viennent sur le trottoir, autour des voitures de police...
Jamais je n'aurais cru que l'apartheid pouvait être aussi clair et net, criant, tangible... Mais que se passe-t-il dans les têtes de ces colons ? Comment leur conscience ne se réveille-t-elle pas ?
En savoir plus sur l'histoire de ce quartier - leur site

2 commentaires:

  1. Bonour Magali,
    Pas douée sur les blogs & co mais je tente ma chance d'un pett mot ! Merci pour ces nouvelles "en live" que je découvre de retour sur Paris pour mon départ en Inde. Que d'expériences ("passer au travers de" au sens ethymologique si je ne m'abuse)vivez-vous là ! ça laisse sans voix. Bonnes rencontres humaines...que dire d'autre ? Espérons que vos témoignages vivants cumulés et diffusés au plus grand nombre seront le début d'une prise de conscience des uns et des autres ici ou là...
    Nous aurons l'occasion d'échanger à notre retour respectif sur l'ailleurs différent,autrement...D'où je suis je ne peux qu'adresser un "courage et confiance en la vie" à ceux que tu cotoies, rencontres. Avec ce petit truc bizarre à l'intérieur que réveille chaque fois ce contact bien bof avec une partie de mes origines...Well. Bonne continuation dans votre mission collective, et votre trajet individuel en parallèle. Hanna

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  2. Que d emotions tu reveilles! comment pouvons nous continuer a vivre les uns avec les autres dans tant de mepris de l Autre!

    Je te lis avec passion depuis Bangkok maintenant... nous irons nous aussi voir de nos yeux... mais il nous faudra surement changer les passeports (avec tous les visas Iraniens, libanais ect... nous ne pourrions, je crois, pas entrer)

    Je suis bien heureuse de te lire et de decouvrir a travers tes mots l actualite si lointaine qui nous arrive par petits bous "retravailles" ici,

    Continues ;-)

    Bisous,
    Berangere

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