Journée tranquille au village d'Al Ma'sara, où nous passons du temps à écrire, traduire, et travailler sur des connexions entre la résistance palestinienne et nos contacts en France et en Israël. Suite à nos discussions avec Mahmoud, on élabore un petit plan stratégique de convergence des luttes qui nous amène à imaginer des tentes d'Indignés dans les manifestations hebdo contre le Mur...
Promenade dans le village, d'abord seule, puis - forcément - accompagnée de gamins du village qui se proposent comme guides alors que je m'égare dans un cul de sac. Nous échangeons quelques mots en arabe entre les vignes et les maisons.
Puis, à nouveau seule, je traverse les champs et tombe sur un berger et ses moutons. Je remarque que dans ce village, il y a toujours des bruits d'enfants qui jouent dehors, partout, d'une colline à l'autre. Cela me fait l'effet du bruit rassurant de la mer, comme la promesse d'une présence éternelle de ce peuple sur ces terres.
Plus tard, alors que nous sommes en train de débattre avec vigueur de je ne sais quelle question politique, le visage de 2 petites filles apparaît dans l'encadrement de la porte. Nous les saluons. Elles nous dévisagent sans rien dire. Au bout de plusieurs longues minutes, elles décident de rentrer dans la maison et de s'asseoir sur le canapé. Côte à côte, sans rien dire, en nous regardant. Nous, nous sommes en plein travail, nous leur sourions simplement. Je me retrouve ensuite seule, alors elles se rapprochent de moi et s'assoient à la table où je bosse sur une traduction. Toujours sans rien dire, elles attendent visiblement quelque chose. Puis l'une d'elles repère une ramette de papier, prend une feuille et les voilà en train de dessiner sur la table. Ce n'est qu'à ce moment que je laisse mon activité pour me consacrer à elles, et leur confectionne à chacune un oiseau en origami.
La journée touche à sa fin sur cet échange tendrement étrange, quand Daniel vient me chercher pour aller rejoindre Pierre qui s'est fait capturer dans une famille au loin. A la nuit tombante, nous nous prenons pierres et ronces dans l'obscurité pour rejoindre à travers champs le sommet de la colline d'en face. C'est dans la cour d'une maison que nous nous retrouvons happés par une magnifique nuée de gamins surexcités qui nous tournent autour comme des abeilles autour d'un pot de miel. On mélange allègrement des bribes de français, d'arabe et d'anglais pour échanger de ces banalités qui n'ont de sens que parce qu'elles sont prétextes à regards, sourires et découverte mutuelle. Une jolie douche de fraîcheur après cette journée chaude. Les mamans nous regardent d'un oeil amusé. Mais c'est qu'il faut partir... comment leur dire ?
Au retour, nous avons une longue discussion avec Jumah, professeur d'informatique à l'Université de Bethlehem, qui cherche à venir parfaire ses connaissances en France. Il nous emmène en arrière dans l'histoire de la résistance. Par exemple lors du siège de l'Eglise de la Nativité par l'armée israélienne en 2002. Pendant 45 jours, des résistants ont été enfermés dans l'Eglise construite sur le lieu de la naissance de Jésus. Avec des attaques qui ont fait 2 morts, dont le sonneur de cloches qui n'était pas combattant.
"Ils n'ont eu aucun respect pour l'Eglise de la Nativité, malgré le Pape, donc quel état pourraient-ils nous donner ?"
Un de ses amis, Mohammed, a été emprisonné à vie pour avoir été dans cette Eglise à ce moment-là. Il a été capturé au village en pleine nuit, après avoir fui sa maison, profité d'un troupeau de moutons pour quitter le village et s'être réfugié dans un arbre toute la nuit. Au petit jour, il a été découvert et pris. Son dernier fils est né quand il était en prison.
Jumah est allé quant à lui 7 fois en prison. La 1ère fois à 16 ans. Il ne savait alors rien de l'occupation, il a tout appris de la politique là-bas. Un de ses frères a été emprisonné de 14 à 18 ans.
Les conditions en prison : 45 ou 50 personnes dans 30m2 pour manger, dormir et se laver tous ensemble. Pas de fenêtre, la lumière allumée tout le temps. Obligés de se relayer pour pouvoir dormir allongés alternativement. Jumah dit avoir passé 45 jours sans même se laver la figure car l'eau était tout juste pour boire.
La 2e fois, il a été emprisonné dans 2m2 tout seul pendant 60 jours, toujours la lumière allumée en permanence. Il ne savait plus si c'était le jour ou la nuit. Il nous dit qu'il faut être fort pour ne pas céder lors des interrogatoires. Mais il dit aussi que ce sont les soldats qui l'ont formé politiquement et physiquement en le soumettant à des positions de torture. La tête dans un sac dégueulasse qui pue pendant des heures, devoir se tenir debout face à un mur de 8h à 21h. Si on tombe, on est frappé pour se relever. Malgré cela il a toujours refusé de signer de faux aveux.
Jumah regrette que "les gens ont fini par accepter l'occupation", le "no problem" s'installe dans les discours. Mais pour lui la période la plus dangereuse était celle de 1970 à 1987, où les Palestiniens et les Israéliens avaient le plus de relations ; beaucoup de Palestiniens ont été achetés par des moyens vicieux : chantage, drogues, filles...
"La situation en Palestine est comme un profond tunnel, mais il y a une bougie au fond et nous y arriverons. Eux n'arriveront jamais."
Promenade dans le village, d'abord seule, puis - forcément - accompagnée de gamins du village qui se proposent comme guides alors que je m'égare dans un cul de sac. Nous échangeons quelques mots en arabe entre les vignes et les maisons.
Puis, à nouveau seule, je traverse les champs et tombe sur un berger et ses moutons. Je remarque que dans ce village, il y a toujours des bruits d'enfants qui jouent dehors, partout, d'une colline à l'autre. Cela me fait l'effet du bruit rassurant de la mer, comme la promesse d'une présence éternelle de ce peuple sur ces terres.
Plus tard, alors que nous sommes en train de débattre avec vigueur de je ne sais quelle question politique, le visage de 2 petites filles apparaît dans l'encadrement de la porte. Nous les saluons. Elles nous dévisagent sans rien dire. Au bout de plusieurs longues minutes, elles décident de rentrer dans la maison et de s'asseoir sur le canapé. Côte à côte, sans rien dire, en nous regardant. Nous, nous sommes en plein travail, nous leur sourions simplement. Je me retrouve ensuite seule, alors elles se rapprochent de moi et s'assoient à la table où je bosse sur une traduction. Toujours sans rien dire, elles attendent visiblement quelque chose. Puis l'une d'elles repère une ramette de papier, prend une feuille et les voilà en train de dessiner sur la table. Ce n'est qu'à ce moment que je laisse mon activité pour me consacrer à elles, et leur confectionne à chacune un oiseau en origami.
La journée touche à sa fin sur cet échange tendrement étrange, quand Daniel vient me chercher pour aller rejoindre Pierre qui s'est fait capturer dans une famille au loin. A la nuit tombante, nous nous prenons pierres et ronces dans l'obscurité pour rejoindre à travers champs le sommet de la colline d'en face. C'est dans la cour d'une maison que nous nous retrouvons happés par une magnifique nuée de gamins surexcités qui nous tournent autour comme des abeilles autour d'un pot de miel. On mélange allègrement des bribes de français, d'arabe et d'anglais pour échanger de ces banalités qui n'ont de sens que parce qu'elles sont prétextes à regards, sourires et découverte mutuelle. Une jolie douche de fraîcheur après cette journée chaude. Les mamans nous regardent d'un oeil amusé. Mais c'est qu'il faut partir... comment leur dire ?
Au retour, nous avons une longue discussion avec Jumah, professeur d'informatique à l'Université de Bethlehem, qui cherche à venir parfaire ses connaissances en France. Il nous emmène en arrière dans l'histoire de la résistance. Par exemple lors du siège de l'Eglise de la Nativité par l'armée israélienne en 2002. Pendant 45 jours, des résistants ont été enfermés dans l'Eglise construite sur le lieu de la naissance de Jésus. Avec des attaques qui ont fait 2 morts, dont le sonneur de cloches qui n'était pas combattant.
"Ils n'ont eu aucun respect pour l'Eglise de la Nativité, malgré le Pape, donc quel état pourraient-ils nous donner ?"
Un de ses amis, Mohammed, a été emprisonné à vie pour avoir été dans cette Eglise à ce moment-là. Il a été capturé au village en pleine nuit, après avoir fui sa maison, profité d'un troupeau de moutons pour quitter le village et s'être réfugié dans un arbre toute la nuit. Au petit jour, il a été découvert et pris. Son dernier fils est né quand il était en prison.
Jumah est allé quant à lui 7 fois en prison. La 1ère fois à 16 ans. Il ne savait alors rien de l'occupation, il a tout appris de la politique là-bas. Un de ses frères a été emprisonné de 14 à 18 ans.
Les conditions en prison : 45 ou 50 personnes dans 30m2 pour manger, dormir et se laver tous ensemble. Pas de fenêtre, la lumière allumée tout le temps. Obligés de se relayer pour pouvoir dormir allongés alternativement. Jumah dit avoir passé 45 jours sans même se laver la figure car l'eau était tout juste pour boire.
La 2e fois, il a été emprisonné dans 2m2 tout seul pendant 60 jours, toujours la lumière allumée en permanence. Il ne savait plus si c'était le jour ou la nuit. Il nous dit qu'il faut être fort pour ne pas céder lors des interrogatoires. Mais il dit aussi que ce sont les soldats qui l'ont formé politiquement et physiquement en le soumettant à des positions de torture. La tête dans un sac dégueulasse qui pue pendant des heures, devoir se tenir debout face à un mur de 8h à 21h. Si on tombe, on est frappé pour se relever. Malgré cela il a toujours refusé de signer de faux aveux.
Jumah regrette que "les gens ont fini par accepter l'occupation", le "no problem" s'installe dans les discours. Mais pour lui la période la plus dangereuse était celle de 1970 à 1987, où les Palestiniens et les Israéliens avaient le plus de relations ; beaucoup de Palestiniens ont été achetés par des moyens vicieux : chantage, drogues, filles...
"La situation en Palestine est comme un profond tunnel, mais il y a une bougie au fond et nous y arriverons. Eux n'arriveront jamais."
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