12/08/2009

Le choc Hébron


"Welcome to Hebron !", c'est par ces mots qu'un gamin m'accueille en arrivant dans cette ville de Cisjordanie de 9 millions d'habitants, la ville d'Abraham, enjeu politico-religieux de taille pour Israël. Symbole paroxysmique de la Colonisation avec un grand C et surtout... de grands cons !
Je crois bien n'avoir jamais autant juré de toute ma vie contre un groupe d'humains.


Hébron, comme toutes les grandes villes de Cisjordanie, est située en zone A sous autonomie palestinienne. Eh ben non en fait, car à Hébron (El Khalil en arabe) il y a H1 et H2. H2 est la zone contrôlée par les soldats israëliens et habitée par les colons les plus extrêmistes. La colonisation de cette ville a commencé en 1970 (en 1921, seuls 6 juifs - ou familles juives - y résidaient). Aujourd'hui, 500 colons occupent le cœur de la ville. 500 colons qui se sont enfermés tout seul au milieu de cette ville palestinienne.

Les tensions se sont vraiment accélérées en 1994 avec avec le massacre de quelques dizaines de Palestiniens (les chiffres varient) par un colon extrémiste dans la Mosquee d'Abraham.


Nous entrons par le marche. Apres 3 années de fermeture totale pendant la 2e intifada, maintenir l'activité économique de la ville est devenu un enjeu pragmatique et symbolique de résistance pour les Palestiniens, d'où une ville industrielle et des échoppes encore bien vivantes a l'entrée du souk. Mais avancer dans Hébron, c'est avancer dans la noirceur la plus ubuesque que le sionisme ait pu générer. Plus on entre dans le marche, plus il y a de magasins fermes . Un commerçant nous fait visiter sa boutique, rester figée par 8 années de fermeture depuis le début de l'intifada. Maintenant qu'il peut l'ouvrir, ses marchandises, des vêtements, passées de mode, ne se vendent plus. Il l'ouvre quand même chaque jour pour expliquer aux passants sa situation : "même si je ne vends pas, je reste la. J'existe !".

La ou des colons se sont installes, ce sont autant de grillages, barbelés, clôtures (souvent les trois a la fois), rues condamnées qui ont pousse autour. De chaque cote des rues, des portes scellées. Mais c'est quand on lève un peu la tête que le pire apparait : les colons s'installent souvent aux étages des maisons, et jettent leurs ordures par la fenêtre sur les Palestiniens qui passent. Pour pallier cela, des grillages ont été installes au-dessus des têtes, refermant ainsi la cage de la colonisation sur les Palestiniens.

Les colons ont également construit des passerelles entre les maisons pour pouvoir accéder a leurs habitations sans passer par les rues arabes. Encore plus haut, sur les toits, des soldats veillent dans des tours de guet, ridiculement camouflées derrière des branchages (camouflage très perspicace dans une ville !). Nous montons sur le toit d'une maison palestinienne a laquelle des colons, n'ayant pas réussi a l'acheter, ont mis le feu. Sur le toit nous nous retrouvons contre le mur d'une maison volée, a 15 mètres d'un soldat derrière sa guérite. Celui-ci s'est amuse a tirer sur la citerne d'eau de la maison, et maintenant il se marre de nous voir le prendre en photo.
On voit bien d'ici le quartier des colons, tout beau tout propre, accessible par des rues speciales.

Nous allons visiter la mosquée d'Abraham. Enfin ce qu'il en reste, car Israël s'est également empare d'une partie de se magnifique bâtiment pour en faire son lieu de culte. C'est ici que se trouve le tombeau des Patriarches avec, entre autres, celui d'Abraham.

"Welcome to Israel !" En entrant dans la mosquée, il faut passer un check point, ouvrir ses sacs, montrer son passeport. Les soldats nous regardent arriver avec un sourire narquois et nous rendent nos papiers en disant a chaque fois "Welcome to Israël". Mohammed, notre guide, ne se démonte pas "No, we are in Palestine", et nous de surenchérir. Les musulmans sont humilies a l'entrée, un sac jete a terre, des insultes...


L'intérieur de la Mosquée est magnifique, une véritable respiration dans cette ambiance suffocante de haine. Ici des gens prient, des femmes jouent avec des enfants, un coin permet la lecture. Et nous, simples visiteurs - pour les non-musulmans - nous baladons a l'aise sur les tapis rouges de ce havre de "paix". Au milieu se trouve les tombeaux d'Isaac et de sa femme : qu'il est étrange que les juifs n'aient pas récupéré ces tombeaux-la au moment de la partition forcée du lieu de culte (Isaac étant considéré comme le fils d'Abraham qui a engendre le peuple juif - alors qu'Ismael, l'aine, aurait engendre le peuple arabe). Quant au tombeau d'Abraham lui-même, on peut le voir du cote musulman même si seuls les juifs y ont accès.

En sortant de la mosquée nous allons faire un petit tour sur la place d'à cote, filtrée par les soldats israéliens qui n'y autorisent que les juifs et les internationaux. Sur la place de la synagogue cette fois seuls les juifs et les chrétiens peuvent accéder (je reprends ici, comme dans tous mes récits, les termes utilises par les gens eux-mêmes).

Alors que nous sommes en plein achat de keffiehs (les plus beaux sont a Naplouse, paraît-il), passe devant nous une manifestation de sionistes, quelques dizaines d'hommes, femmes et enfants avec drapeaux et porte-voix. Israeliens ou sympathisants en vacances, difficile a dire, mais en tout cas ce sont des Français. Je crie "Vive la Palestine !", Leila renchérit "Voleurs de terres !" et là... ils s'énervent ! Ils se retournent vers nous brusquement en nous menaçant du doigt et d'insultes primaires.



Extraits "ça pue la merde !", "pourriture !", "Palestine juive !", "la Palestine est morte !" (remarquez la cohérence dans les propos...) et le meilleur "la France aux arabes !". Nous restons calmes a les regarder s'énerver en les félicitant de leur vocabulaire. Alors qu'ils commencent a s'en prendre aux etals du marchand, les soldats israéliens s'interposent en retenant les plus virulents d'entre eux, poings levés.
Nous discutons également avec un couple de sexagénaires militants chrétiens, qui vivent leur engagement pour la paix à Hébron de façon permanente.

Ils passent... et le marchand nous couvre de petits cadeaux de la Palestine "you are our friends".
"Welcome to Palestine !"

1 commentaire:

  1. oui, à lire plusieurs de tes textes, l'injustice est criante et tellement caricaturale que l'on se demande comment la communauté internationale peut rester muette. Mais, je m'interroge tout de même sur la mise en perspective politique de votre séjour. Avez-vous la possibilité de rencontrer des israéliens pacifistes ? (je n'ai pas lu tous tes textes) de confronter vos points de vue. Parce que si Israel existe c est bien parce que la communauté internationale l'a voulu et organisé. Ce que tu décris semble tellement fou que l'on aurait besoin de rationnaliser, de comprendre comment les israeliens en arrivent à ces extrêmes. Que pensent-ils ? ne sont-ils pas lassés de tant de haine ? Ils ont eux aussi des familles, on se ressemble tous tellement, ici, tes descriptions en font des êtres arrogants et detestables... mais il manque un regard croisé.

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