29/07/2011

La question -« clé » des réfugiés


Cette semaine a surtout été consacrée à Jérusalem, que nous avons arpentée dans tous les sens. Des colonies qui poussent comme des champignons dans Jérusalem-Est. Marre des barbelés, grillages, postes militaires, barrières, murs, soldats partout. La Palestine est un chantier permanent : Israël détruit, les Palestiniens reconstruisent, Israël construit, les Palestiniens résistent. Pierres, poussières, terre, végétation assoiffée. Des panneaux publicitaires au milieu du désert, des drapeaux israéliens partout jusque sur la passerelle qui mène à l'esplanade de la mosquée Al Aqsa. De belles églises, de belles rencontres...

2e jour : direction Bethlehem où nous rencontrons Amjad de l’association BADIL qui a été créée en 1998 pour traiter de la question des réfugiés. Celle-ci est un enjeu majeur pour la Palestine puisqu’il nous rappelle que 40% des Palestiniens de Cisjordanie sont des réfugiés et 70 à 80% à Gaza. Aujourd’hui, 70% des Palestiniens sont réfugiés ou déplacés dans le Monde (sur 10 millions de personnes environ).
Ce qui est important à noter,
c’est que ce n’est pas seulement un problème hérité de la Nakba  (« la catastrophe » en 1948 à la création d’Israël où 80% de la population palestinienne a été chassée de ses terres), qu’il faudrait traiter « un jour » pour régler le solde de tous comptes. C’est bien toujours un problème d’actualité criante puisque la politique israélienne n’a eu de cesse depuis de créer de nouveaux réfugiés en expulsant les bédouins de leurs terres vers des villages ad hoc, les Palestiniens d’Israël vers la Cisjordanie ou ceux de Cisjordanie vers l’étranger. De nombreuses familles ont d’ailleurs vécu plusieurs déplacements forcés par les expropriations et les massacres. L’UNRWA est l’agence de l’ONU qui gère ces populations et administre les camps qui se sont construits petit à petit jusqu’à constituer de véritables villes. Dans ces camps, l’intifada a été particulièrement vivace et l’armée israélienne y fait des incursions régulières. Par exemple 2 morts et un blessé grave il y a 3 jours au camp de Qalandiya.
Amjad nous rappelle les grandes techniques d’expulsion. Au début du projet sioniste, il y eut des achats de terres, mais très vite il a fallu utiliser d’autres moyens car les terres ne se vendaient pas facilement. Il a fallu orchestrer le vol, milices puis armée à l’appui : expulsion manu militari, massacres et encerclement des villages pour faire fuir les populations. Plus de 500 villages ont ainsi été dépeuplés. En 1967, quand Israël a envahi toute la Cisjordanie, ils ont pris les noms de tous les Palestiniens présents. Et tant pis pour ceux qui étaient partis étudier ou voyager à l’étranger : ceux-là n’ont jamais pu rentrer à la maison.

Les absents ont toujours tort …

Une fois les Palestiniens évacués, il faut pouvoir s’arroger leur propriété. Plein de techniques pour cela, dont des lois cyniques pour s’approprier les terres ainsi « abandonnées » (« absenty property law »), jusqu’à une loi sur l’absence-présence (oui oui !) pour les Palestiniens qui ont le malheur de travailler trop loin de chez eux et se trouvent mis à la porte par manque d’assiduité au domicile. Une autre manière de faire est de rayer tout simplement la moitié des villages arabes de la carte d’Israël : ils n’existent plus, donc n’ont plus le droit à aucun service public ce qui les fait dépérir. La majorité de ces villages « unrecognized » sont dans le désert du Néguev ou en Galilée, aujourd’hui entre 80 000 et 100 000 Palestiniens de citoyenneté israélienne vivent dans ces villages qui sont régulièrement détruits, puis reconstruits jusqu’à plusieurs dizaines de fois.
Maintenant il ne reste plus qu’à coloniser ces terres pour les judaïser de facto et rendre l’accaparement irréversible. C’est le rôle de la « planning and building law » qui dirige tout le projet d’expansion territoriale et de construction coloniale en Israël et en Cisjordanie.
Amjad essaye de nous faire comprendre la mentalité des Palestiniens réfugiés, qui vivent dans l’espoir du retour et se le transmettent d’une génération à l’autre, en gardant la clé de leur maison tout près d’eux. Comment vivre dans cette perpétuelle sensation que tout projet ne peut être que temporaire ?
Aujourd’hui, la « loi du retour » pour Israël permet à des personnes juives qui n’ont jamais mis les pieds en Israël, ni leurs ancêtres depuis des siècles, de s’installer facilement en Israël et de jouir de tous les droits de ses nationaux, au-dessus des droits des Palestiniens qui y sont nés, alors qu’un réfugié palestinien qui y a vécu de longues années ne peut même plus s’y rendre pour une visite. Amjad tient aussi à nous rappeler que le projet sioniste était au départ un projet laïc, mené par des nationalistes racistes européens, qui a dû convaincre les religieux pour se développer. Aujourd’hui encore, les leaders politiques israéliens se disent athées. D’ailleurs, les critères pour être considéré comme « juif » par Israël ont varié selon les besoins de « recrutement » : des bureaux sont ouverts partout dans le Monde. Pour lui, le sionisme est un projet anti-juif qui a détruit les communautés juives bien intégrées dans différents pays (Libye, Maroc…). Quand Israël s’effondrera, acculé par son extrémisme, que restera-t-il de la religion juive ?

« Aujourd’hui, comment puis-je expliquer à un enfant palestinien de ne pas critiquer les juifs puisque c’est Israël lui-même qui prétend représenter tous les juifs ? »

La question des réfugiés est une des plus sensibles diplomatiquement parlant, car elle touche à l’équilibre démographique entre Israéliens et Palestiniens, et donc à la nature même de l’« état juif » qui se prétend démocratique.

Le 15 mai dernier, 10 000 réfugiés se sont présentés pacifiquement aux frontières de la Palestine pour réclamer leur droit au retour.
Israël leur a tiré dessus.

Nous sommes ensuite accueillis par Hamza de l’association Abda Center du camp de Duheishe toujours dans la province de Bethlehem, construit en 1952. 10 000 habitants, dont 60% d’enfants. 40 000 personnes ont dû en partir par manque de place vers d’autres endroits de Cisjordanie. L’accès à l’eau y est le principal problème. Après une présentation des activités du Centre, une discussion plus politique s’engage : « Nous devons être unis avant d’aller devant l’ONU pour défendre notre état ». Hamza insiste aussi sur le rôle des prisons en termes de formation, pour apprendre à devenir quelqu’un de bien.
Le soir même à l’AIC, Nassar Ibrahim intervient sur « L’illusion du développement sous occupation – les motivations politiques de l’aide aux Palestiniens ». La problématique est cruciale, avec toute l’aide économique apportée notamment par les USA et l’Europe sous prétexte d’aide aux Palestiniens, mais qui collaborent avec l’occupant (depuis notamment le « protocole de Paris »). Cette aide apparaît souvent comme un leurre hypocrite, quand on sait que l’Europe ne réagit même pas à la destruction par Israël des infrastructures qu’elle contribue à financer (aéroport de Gaza…). Pour Nasser l’aide internationale n’a de pertinence qu’à 3 conditions : être articulée avec les enjeux politiques, au services des intérêts publics (éducation, santé…) et pas individuels, et en respectant la logique du boycott d’Israël.
« Nous avons besoin de manifestations partout dans les capitales européennes contre les gouvernements qui coopèrent avec Israël ».

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