08/08/2009

Une vie à attendre

Hier samedi, journée au camp de réfugiés de Fara, dans la montagne près de Naplouse (district de Jénine). Ce camp ne ressemble plus à un "camp" depuis des années : plus de tentes, des infrastructures d'eau et d'électricité, un comité populaire assimilé à une mairie, des écoles, des petites maisons et des rues étroites certes très serrées, très pauvres, où les 80 pour cent de chômage créent une atmosphère endormie, mais peut-être pas plus que dans bien d'autres villages palestiniens... tout d'une petite ville donc, mais ses habitants y tiennent : ils sont dans un camp de réfugiés car ils sont des réfugiés. Renoncer à ce statut, c'est oublier leur terre, leur mémoire, l'injustice incroyable qui leur a été faite dans la violence physique et psychologique du déracinement.
Le camp de Fara s'est constitue de réfugiés de la Nakba ("la Catastrophe"), la grande fuite des Palestiniens situés sur les territoires donnés à Israël lors de partage de l'ONU en 1948 : 800 000 personnes ont été violemment chassées de leurs terres, pour celles qui ont échappe aux massacres. Aujourd'hui la majorité des Palestiniens ne peuvent pas vivre chez eux, mais sont réfugiés en Cisjordanie ou dans les pays limitrophes.

Le camp est administré par le comité populaire, mené par l'OLP comme la majorité ici, mais il est de toute façon sous perfusion financière de l'UNRWA, l'Agence des Nations Unies chargée de l'aide humanitaire aux réfugiés de Palestine.

Guidés par Ahmed, nous rencontrons les responsables du comité populaire, ceux d'une association agissant pour la mémoire des réfugiés et le droit au retour absolu et surtout Mohammad, un professeur ayant vécu la Naqba à l'âge de 16 ans, dans son village natal près de Haifa. Ce vieux monsieur, très calme, souriant, incroyablement doux, nous raconte comment ils ont quitté brutalement le village, sans prendre aucune affaire, alors que d'autres se faisaient tuer derrière eux. Pas de direction, pas de lieu où aller, les Palestiniens sur la route n'avaient aucun moyen de les aider... Ils ont donc marché au hasard jusqu'à arriver à Naplouse et s'installer auprès d'une source d'eau. Ils vivaient comme à l'âge de pierre, dit-il, "aucun être humain ne peut vivre dans des conditions pires que celles-ci". Jusqu'à ce que, petit a petit, l'ONU s'intéresse à leur sort et crée l'UNRWA pour s'occuper d'eux. En 1967, 9000 personnes habitaient le camp de Ja'rah. Les accords d'Oslo et la création de l'autorité palestinienne a permis à partir de 1993 d'organiser la ville et ses infrastructures. Mais ces mêmes accords ont reporté aux calendes grecques leur droit au retour. La clé de la maison que certains gardent encore autour de leur cou, ne reverra sans doute jamais sa porte. Quand Mohammad a pu une fois aller voir sa terre, il a creusé la où étaient les ruines de sa maison et a retrouvé une tasse à café qui lui appartenait.

On nous explique que le centre de santé et de sport à côté du camp était auparavant une prison israélienne ou étaient torturés les enfants pendant l'intifada.
Les discussions avec les différents notables du camp nous ont donné beaucoup d'éclaircissements sur les relations entre le Fatah, l'OLP et l'autorité palestinienne, que tous traitent, ouvertement ou par un silence explicite, de traître. La question d'un ou deux états sur la terre de Palestine n'est pas posée en ces termes pour les Palestiniens, ils veulent juste vivre chez eux, en paix, avec un droit de citoyen dans un pays vraiment démocratique. Pour cela, le droit au retour est absolument incontournable.

Pas de paix sans justice !

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