Dimanche matin. Petit topo à l’AIC pour nous préparer a la visite d’Hébron. Ahmad Jaradat nous rappelle que l’enjeu des colonies est le plus important dans le conflit : 2000 colonies dans les territoires occupes, plus ou moins grandes, plus les postes avancés très petits en haut des collines. Sur la carte, les taches bleues des collines s’étendent d’année en année, plus les routes interdites aux Palestiniens et toutes les zones de sécurité interdites d’accès. Notamment ce large corridor en construction entre Jérusalem et Hébron au Sud, prêt à tout dévaster de ce qui est palestinien sur son passage.
On estime le nombre de colons a 600 000, mais ce chiffre est gardé secret. Ce projet participe directement au plan de « déportation silencieuse » qui consiste à chasser les Palestiniens en les empêchant d’avoir une vie normale. Les Israéliens n’ont jamais fait aucune concession sur les colonies, dont la construction a fortement augmente depuis... les accords d’Oslo (1993), censés reconnaître un embryon de souveraineté palestinienne. La blague ! Depuis Sharon, les zones A, B ou C n’ont plus de sens : l’armée va ou elle veut. L’ex-premier ministre israélien a dit qu’il n’arrêterait pas la colonisation, « même pour une heure ». Le processus de Paix est mort et enterré depuis longtemps.
Après l’armée et les officiels, les colons sont un deuxième pouvoir d’occupation, pratiquant des agressions systématiques sur les Palestiniens et leurs terres (par exemple pour la cueillette des olives). Les colons ont un comité central et sont au-dessus des lois, ils coopèrent largement avec l’armée, par exemple pas plus tard qu’hier 100 colons sont allés dans un village palestinien et l’armée a tire sur les gens.
« Des colons armés sont-ils encore des civils ? »
Hébron est la seule ville de Cisjordanie ou les colons se sont installes en plein cœur, l’armée ayant pour cela institue des statuts spécifiques H1 et H2 (encore différent des zones A, B et C des territoires) : 500 colons, 2000 soldats, pour une ville palestinienne de 55 000 habitants (en centre ville) coupée en plusieurs morceaux, certains Palestiniens ayant été « coinces » au milieu des colonies. Un imbroglio de barrières, de barbelés, de portes condamnées et de routes barrées pour instaurer la ségrégation physique entre les Palestiniens et les colons en donnant à ceux-ci toujours plus de place. L’Apartheid avec un grand A comme Absurde. Ces colons ne travaillent pas, il y a beaucoup de jeunes étudiants religieux.
En arrivant sur la ville, Ahmad nous montre la stratégie de ceinturer la ville par les colonies : les 3 colonies qui se situent au Nord, à l’Est et a l’Ouest d’Hébron sont en train d’être reliées par des « rues-colonies » (il faut inventer des mots dans un tel pays...). Nous nous arrêtons au bord d’une route avec un check point : les Palestiniens ne peuvent la continuer qu’à pied, car elle longe les colonies. Les camions déchargent leurs marchandises.
Cœur de la ville. Nous passons le check point pour entrer dans le quartier réservé aux musulmans, où se trouve la mosquée d’Abraham d’où l’on peut observer le tombeau du père des 3 monothéismes, qui se situe de l’autre côté du mur, là où une partie de la mosquée a été confisquée pour en faire une « synagogue ». Malheureusement nous n’y entrerons pas cette fois, ça va être l’heure de la prière. En bas de la mosquée, il y a cette rue dans laquelle nous avions croise, il y 2 ans, une manifestation de sionistes français déchaînés, qui ont failli s’en prendre a nous physiquement. Aujourd’hui cette rue est coupée en 2 dans sa longueur, les deux parties séparées par un muret.
D’un côté marchent les colons, de l’autre les Palestiniens. Le marchand de babioles qui nous avait couvert de petits cadeaux ce jour la se trouve désormais du mauvais côté de la rue : les Palestiniens ne peuvent plus passer devant chez lui, il nous supplie de franchir le muret pour aller visiter son magasin. Dans sa guérite, le soldat qui surveille la rue nous observe. La cour israélienne a donné raison aux Palestiniens concernant cette route, mais quand ceux-ci ont voulu la « réunifier », ils se sont fait arrêter. 800 magasins à Hébron sont fermés sur ordre militaire pour « security reasons », depuis plus de 10 ans. Tsahal est souverain. Ce quartier ressemble à une ville-fantôme, toutes boutiques fermées, peu de gens dehors. Des projecteurs, guérites, caméras partout.
Nous y hantons alors que l’appel à la prière résonne de toutes les mosquées alentours. Jusqu’à quand pourra-t-on encore l’entendre ? « To learn or not to learn », c’est ce qui est écrit sur le mur d’une école annexée par un bâtiment militaire qui en contrôle l’entrée. Quelques fois certaines artères principales du centre ville sont fermées empêchant toute circulation de l’Est à l’Ouest ou du Nord au Sud. Certaines familles qui peuvent se parler à travers la rue ne peuvent pas la traverser et doivent donc faire parfois plus de 10 km pour se rendre visite de part et d’autre.
Nous rendons visite à une coopérative d’artisanat de femmes qui travaillent dans les villages alentours. La coopérative valorise le travail et les savoir faire de 120 femmes souvent peu éduquées. Maie celle qui nous accueille nous le rappelle bien : « Nous sommes ici pour faire du commerce mais aussi pour garder la vieille ville ouverte. La première chose pour vous à faire en rentrant est de témoigner de comment les colons nous traitent ici »
C’était le dernier jour du programme de l’AIC. Nous passons la soirée dans les magnifiques montagnes du désert de Bethlehem sous une tente bédouine, avec feu de camp et barbecue, pour faire le bilan et passer nos dernières heures de groupe international ensemble, à épancher par la musique et la danse les lourdeurs de nos cœurs.
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