Daniel nous rejoint et nous restons ce soir tous les 4 dans la maison du comité populaire, qui est aussi le centre internet et le lieu d'hébergement des internationaux. Notre "maison de campagne" pour quelques jours.
Cette fois on a plus le temps de parler avec Mahmoud et Jumah. Mahmoud nous explique ce qu'il attend de notre présence (traduction, écriture d'article) mais nous discutons surtout politique évidemment. Sur l'échéance en septembre de la reconnaissance de la Palestine à l'ONU, pour lui c'est une question de pragmatisme et de diplomatie.
Ce n'est pas la panacée, tous les Palestiniens le savent bien, mais le droit international est la seule voie actuellement entendable pour la communauté internationale et donc il faut l'emprunter (Mahmoud a déjà rencontré Ban Ki-Moon et d'autres chefs d'état). Sans renoncer pour autant au droit au retour des réfugiés en Palestine et en Israël.
Nous racontons à Mahmoud le mouvement social en Israël et les Indignés en Europe. Nous cherchons à voir comment infléchir le mouvement israélien vers des positions plus favorables aux Palestiniens (ici et là-bas) et comment les Palestiniens pourraient participer à cet élan à leur façon, afin de connecter leur lutte à celle des mouvements citoyens non violents européens. On arrive entre autres à l'idée de proposer aux comités populaire d'introduire dans leurs manifs des tentes, symboles de ces mouvements, de l'occupation de l'espace public, mais aussi des camps de réfugiés... Il nous mandate pour écrire une note à proposer dimanche à la coordination des comités populaire de Cisjordanie.
Car l'enjeu est de faire converger les problématiques socioéconomiques et politiques de part et d'autres de la Méditerranée. Sur le modèle des Forums sociaux mondiaux par exemple. Car même en Palestine, les questions économiques viennent dangereusement occulter les questions politiques fondamentales. En gros, l'argent cache l'occupation et creuse un gap entre les riches et les pauvres qui affaiblit la résistance nationale dans son ensemble. Plus les gens ont de l'argent, plus ils ont à perdre d'une nouvelle intifada. Ce n'est pas pour rien qu'Israël a favorisé ces dernières années la "normalisation" de l'économie palestinienne (en tout cas au sein de la Cisjordanie) et que les pays occidentaux déversent leur mauvaise conscience en milliards de dollars d'aide humanitaire ! Les accords d'Oslo ont fait dépendre les Palestiniens de la charité internationale et du business des villes. Il y a deux murs symboliques pour cacher l'occupation : les panneaux publicitaires, et les ONG qui n'envoient pas leurs volontaires aux manifestations. La société civile est étouffée par ces ONG, le "business du coeur" quand elles se déclarent apolitiques.
"Israël et les USA sont les ados de ce monde, à montrer leurs gros muscles"
On évoque la faible mobilisation des gens du village aujourd'hui à la manif : en plus du ramadan, Mahmoud nous dit que les gens sont fatalistes, déçus, en colère. Et les Palestiniens qui travaillent dans les colonies peuvent être repérés par les photos que prennent les soldats.
Les enfants dans les manifs
J'aborde un sujet sensible qui m'avait interpellée la première fois, celui des enfants dans les manifs. "Je suis contre les enfants dans les manifestations. Mais d'un autre côté on ne peut pas mentir aux enfants sur ce qui se passe. Les enfants jouent ici aux cow boys et aux Indiens version Israéliens contre Palestiniens. Ils veulent aller aux manifs et en sont fiers. Mais pour être honnête, il n'y a pas d'enfance en Palestine. L'occupation est une partie de notre vie, c'est dans notre sang. Si j'écoute mon coeur, je ne veux pas que les enfants aillent aux manifs, mais d'un autre côté je veux leur montrer ce qu'est la résistance non violente. Alors que mon père me punissait quand j'étais jeune et allait participer à l'Intifada, ces enfants d'aujourd'hui ont la chance de participer à la résistance non violente. Même s'ils peuvent tuer des enfants, c'est vraiment dangereux, ils l'ont déjà fait. Avec le pouvoir de la non violence, un des enjeux est de changer la mentalité de ton ennemi".
De l'intifada à la non violence
Mahmoud nous explique qu'il était dans la 1ère intifada dès 16-17 ans, en prison à 18 ans, puis plusieurs fois, la dernière en 2005. "J'ai rencontré ensuite par internet une Israélienne qui m'a présenté l'association Ta'ayoush (anticolonialistes de terrain, juifs et arabes), et je l'ai amenée en 2002 à la place de la Nativité à Bethlehem. En 2003 avec un autre Israélien on a monté un projet sur l'eau dans le village avec un groupe d'Israéliens. Il a fallu mener bataille contre des gens du village qui ne voulaient pas d'eux. Mais on a réussi à les faire accepter. J'ai été le maire d'Al Ma'sara pendant 5 ans et j'ai permis un grand changement auprès des jeunes contre les capitalistes du village. Ce qui est spécifique ici, c'est que les gens sont très éduqués : en prison, à l'Université (c'est historique, dans ce village le lycée date de 1967). Il y a plusieurs partis politiques dans le village. Les gens d'ici ne perdent pas tant de terres que ça car nous nous battons contre le Mur, en impliquant les familles".
En faisant un petit tour près de la maison, je pense au village où j'ai grandi, La Chevallerais, qui comportait il y a encore quelques années le même nombre d'habitants qu'Al Ma'sara, 900 âmes. J'imagine le comité des fêtes se transformer en comité populaire de résistance non violente, face à une armée d'occupation....
Cette fois on a plus le temps de parler avec Mahmoud et Jumah. Mahmoud nous explique ce qu'il attend de notre présence (traduction, écriture d'article) mais nous discutons surtout politique évidemment. Sur l'échéance en septembre de la reconnaissance de la Palestine à l'ONU, pour lui c'est une question de pragmatisme et de diplomatie.
Ce n'est pas la panacée, tous les Palestiniens le savent bien, mais le droit international est la seule voie actuellement entendable pour la communauté internationale et donc il faut l'emprunter (Mahmoud a déjà rencontré Ban Ki-Moon et d'autres chefs d'état). Sans renoncer pour autant au droit au retour des réfugiés en Palestine et en Israël.
Nous racontons à Mahmoud le mouvement social en Israël et les Indignés en Europe. Nous cherchons à voir comment infléchir le mouvement israélien vers des positions plus favorables aux Palestiniens (ici et là-bas) et comment les Palestiniens pourraient participer à cet élan à leur façon, afin de connecter leur lutte à celle des mouvements citoyens non violents européens. On arrive entre autres à l'idée de proposer aux comités populaire d'introduire dans leurs manifs des tentes, symboles de ces mouvements, de l'occupation de l'espace public, mais aussi des camps de réfugiés... Il nous mandate pour écrire une note à proposer dimanche à la coordination des comités populaire de Cisjordanie.
Car l'enjeu est de faire converger les problématiques socioéconomiques et politiques de part et d'autres de la Méditerranée. Sur le modèle des Forums sociaux mondiaux par exemple. Car même en Palestine, les questions économiques viennent dangereusement occulter les questions politiques fondamentales. En gros, l'argent cache l'occupation et creuse un gap entre les riches et les pauvres qui affaiblit la résistance nationale dans son ensemble. Plus les gens ont de l'argent, plus ils ont à perdre d'une nouvelle intifada. Ce n'est pas pour rien qu'Israël a favorisé ces dernières années la "normalisation" de l'économie palestinienne (en tout cas au sein de la Cisjordanie) et que les pays occidentaux déversent leur mauvaise conscience en milliards de dollars d'aide humanitaire ! Les accords d'Oslo ont fait dépendre les Palestiniens de la charité internationale et du business des villes. Il y a deux murs symboliques pour cacher l'occupation : les panneaux publicitaires, et les ONG qui n'envoient pas leurs volontaires aux manifestations. La société civile est étouffée par ces ONG, le "business du coeur" quand elles se déclarent apolitiques.
"Israël et les USA sont les ados de ce monde, à montrer leurs gros muscles"
On évoque la faible mobilisation des gens du village aujourd'hui à la manif : en plus du ramadan, Mahmoud nous dit que les gens sont fatalistes, déçus, en colère. Et les Palestiniens qui travaillent dans les colonies peuvent être repérés par les photos que prennent les soldats.
Les enfants dans les manifs
J'aborde un sujet sensible qui m'avait interpellée la première fois, celui des enfants dans les manifs. "Je suis contre les enfants dans les manifestations. Mais d'un autre côté on ne peut pas mentir aux enfants sur ce qui se passe. Les enfants jouent ici aux cow boys et aux Indiens version Israéliens contre Palestiniens. Ils veulent aller aux manifs et en sont fiers. Mais pour être honnête, il n'y a pas d'enfance en Palestine. L'occupation est une partie de notre vie, c'est dans notre sang. Si j'écoute mon coeur, je ne veux pas que les enfants aillent aux manifs, mais d'un autre côté je veux leur montrer ce qu'est la résistance non violente. Alors que mon père me punissait quand j'étais jeune et allait participer à l'Intifada, ces enfants d'aujourd'hui ont la chance de participer à la résistance non violente. Même s'ils peuvent tuer des enfants, c'est vraiment dangereux, ils l'ont déjà fait. Avec le pouvoir de la non violence, un des enjeux est de changer la mentalité de ton ennemi".
De l'intifada à la non violence
Mahmoud nous explique qu'il était dans la 1ère intifada dès 16-17 ans, en prison à 18 ans, puis plusieurs fois, la dernière en 2005. "J'ai rencontré ensuite par internet une Israélienne qui m'a présenté l'association Ta'ayoush (anticolonialistes de terrain, juifs et arabes), et je l'ai amenée en 2002 à la place de la Nativité à Bethlehem. En 2003 avec un autre Israélien on a monté un projet sur l'eau dans le village avec un groupe d'Israéliens. Il a fallu mener bataille contre des gens du village qui ne voulaient pas d'eux. Mais on a réussi à les faire accepter. J'ai été le maire d'Al Ma'sara pendant 5 ans et j'ai permis un grand changement auprès des jeunes contre les capitalistes du village. Ce qui est spécifique ici, c'est que les gens sont très éduqués : en prison, à l'Université (c'est historique, dans ce village le lycée date de 1967). Il y a plusieurs partis politiques dans le village. Les gens d'ici ne perdent pas tant de terres que ça car nous nous battons contre le Mur, en impliquant les familles".
En faisant un petit tour près de la maison, je pense au village où j'ai grandi, La Chevallerais, qui comportait il y a encore quelques années le même nombre d'habitants qu'Al Ma'sara, 900 âmes. J'imagine le comité des fêtes se transformer en comité populaire de résistance non violente, face à une armée d'occupation....
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire