22/08/2009

Retour en pays libre




J'ai le cœur lourd en quittant Jérusalem. Je vais faire un dernier tour dans la vieille ville, très calme en cette journée de Shabbat et premier jour de Ramadan. Je repense à ce que m'a dit Mohammed hier soir "Jérusalem, c'est le Paradis", avec une telle sincérité. C'est vrai qu'en tournant dans les ruelles, on peut tomber sur des petits coins de havre de paix intemporels. Comme ce carré de verdure dans une petite cour, à laquelle mon vagabondage m'amène par hasard. Un vieux monsieur dort sur un banc, ses livres posés à côté de lui. Il ressemble à un religieux, mais de quelle religion ?
Je ne saurais le dire, la barbe blanche et la robe noire ne permettant pas de le distinguer, même si je peux supposer, à la blancheur des murs ici, que je suis alors dans le quartier juif ou arménien. Je reçois cette image comme l'allégorie de l'Espoir d'une réconciliation universelle, un jour, peut-être. En tout cas ici, sûrement.


Le chauffeur du taxi qui m'amène à l'aéroport est désagréable, je somnole sur le trajet en regardant filer pour la dernière fois les grilles, grillages, barrières de sécurité, barbelés et autres éléments de la faune militaire israëlienne.
Arrivée à l'aéroport 4h avant le départ de l'avion.
Je m'assois pour bouquiner. Un jeune homme sur le même banc me demande de surveiller son sac une minute. Il est autrichien, travaille pour l'ONU et rentre en vacances. J'aimerais bien discuter avec lui, avoir le point de vue d'un ONU, mais impossible de prendre ce risque. Si un agent du Mossad repère que je suis allée en Palestine, je serai sur la black-list pour la prochaine fois, interdite de séjour (NB : visiblement c'est ce qui est arrivée à Leila dans l'avion).
- Ouverture du check-in de sécurité. Dans la file un employé contrôle mon passeport, me demande des comptes sur mes visas marocains et mauritaniens, pourquoi j'y suis allée, si je connais quelqu'un là-bas... Et pan ! me voici avec des autocollants partout sur mes bagages, étiquettée n°5. Ce chiffre correspond à un indice de "soupçonnabilité" selon les critères israëliens. 5 sur une échelle de 7, pas mal ! C'est grosso modo le cas de tous les individus seuls de ma génération qui sont autour de moi. Je vais garder cet autocollant, mon label de résistante en quelque sorte ;)
- C'est grâce à cette étiquette que mon bagage sera vidé et fouillé. L'employée a l'air gentille, je le remarque tellement c'est rare. J'imagine que peut-être elle doit se rendre compte à quel point c'est ridicule et humiliant de procéder à ce genre de contrôle. Elle passe grâce à une sorte de spatule un morceau de chiffon dans mes affaires, sur mon portable, etc. Ce chiffon est ensuite mis dans une machine, qui doit je suppose essayer de détecter un composant "louche" qui trahirait mon activisme : gaz lacrymo, eau puante, air palestinien...
- Direction ensuite l'enregistrement des bagages, passeport. J'ai un moment de frayeur quand l'employée m'explique, après avoir vérifié mon n° de soupçonnabilité, que je dois aller présenter mon bagage ailleurs, un peu plus loin.
- Nouveau contrôle du passeport. Je dois attendre ici un homme de la sécurité.
- Passeport. En fait je dois déposer mon sac à dos dans l'ascenseur car avec toutes ses sangles il pourrait se bloquer dans les tapis roulants. Ouf !
- Entrée dans la salle d'embarquement, nouvelle présentation du passeport, 3 fois de suite.
- Nouvelle fouille. Il fait très froid dans la salle d'attente (Djamel, n'oublie pas ton pull quand ce sera ton tour !), je me colle contre un rayon de soleil qui passe à travers une vitre. 1h30 d'attente.
- Passeport. Dans l'avion, les passagers, beaucoup de familles juives françaises, sont très énervés, les hôtesses de Austrian ont du mal à garder leur sang froid.

Arrivée à Vienne. Il pleut. Et moi aussi. La pression retombe d'un coup, les slogans de manifs me résonnent dans les oreilles ("Free Free, Palestine", "1, 2, 3, 4 : occupation no more"...). J'aimerais trouver quelqu'un avec qui vider mon sac, mais seule une fille, loin devant moi, sort en mettant son keffieh autour du cou. Dommage que j'ai envoyé le mien par la Poste, j'aurais aimé en faire autant.

Le dernier contrôle des passeports sera pour la douane autrichienne. Qu'il est bon de se retrouver dans un endroit où on peut se déplacer librement (vive l'Europe !) et s'exprimer ouvertement sans craindre la présence d'un agent du Mossad à tout coin de rue. Les hôtesses d'Air France, les douaniers de Vienne, les flics de Paris et les caissières de Franprix me paraissent soudain ultra sympathiques.
Enfin, en tout cas, au moins tout simplement humains !

Dans le taxi, les salles d'attente, les avions, le RER... dans mes somnolences, mes idées se décantent. Je sens l'essentiel - ou l'essence - de ce voyage se dessiner petit à petit dans ma conscience...
Cela fera l'objet d'un prochain message.

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