" (...) à Tulkarem, j'ai été hebergé chez un fermier palestinien, Faez, où se trouvait déjà les autres Français qui m'attendaient. La situation de ce fermier comme de la plupart des paysans de la région a été mise en danger par le Mur. Beaucoup n'ont tout simplement plus de terres car elles ont été confisquées par Israël pour des raisons de sécurité, bien entendu ! Faez, lui, a vu son champ entouré par le Mur et par une usine israélienne qui rejette ses déchets sur ses terres et les rend donc improductifs.
(...) Faez s'est retrouvé un jour à Lille dans une manifestation pour la Palestine, invité par des amis. Finalement, avec une délégation, ils ont été reçus par le préfet de la ville. Les membres de la délégation ont insisté pour que ce soit Faez qui parle. Il dira en substance:
"J'ai deux messages à faire passer :
1. nous ne sommes pas des terroristes mais c'est bien Israël qui l'est. Concernant Israël, il vous suffit juste de regarder vos chaînes de télévision pour vous persuader de la nature des activités israéliennes. Quant aux palestiniens, nous avons vu la résistance armée des vietnamiens contre l'Amérique, la résistance non-violente de Gandhi contre les anglais, la campagne de boycott de Mandela contre le régime sud-africain mais jamais nous n'avons vu - et vous pouvez revisionner les images de 1993 lors de la signature d'Oslo - un peuple opprimé aller poser des fleurs dans les jeeps de l'armée occupante. Or nous les palestiniens l'avons fait en 1993 tellement nous voulions la paix!
2. le deuxième message est que nous sommes dans le droit alors que la France s'oppose au droit en soutenant Israël de la sorte. La devise "Liberté, égalité, fraternité", nous la portons aujourd'hui. et vous ne pouvez pas imaginer combien nous, palestiniens, respectons les martyrs de la révolution française. En revanche, la France, par sa position, ne respecte pas sa propre devise."
Il paraît que le préfet s'est levé à la fin du discours et est parti serré la main de Faez avec les yeux mouillés ! A la question de Sonya concernant l'apathie des arabes de Jérusalem, Faez répondra qu'elle se trompe sur eux, que, selon lui, la situation du peuple palestinien est la pire aujourd'hui dans le monde et que la situation des Palestiniens à Jérusalem est la pire de toute la palestine! Donc, il n'a qu'une seule chose à dire aux palestiniens de Jérusalem: "Nous savons que votre situation est pire que la nôtre à Tulkarem. Mais surtout, ne faites rien. Juste, restez sur place. Mangez, buvez et restez!! C'est la plus grande des résistances que les autres palestiniens attendent de vous!"Il argumentera sur son affirmation que les Palestiniens ont la pire situation en disant qu'ailleurs, les occupations sont soit d'ordre économique ou d'ordre géographique (expansion de territoires). Mais dans les deux cas, la population est certes opprimée mais vit sur place. Pour les Palestiniens, l'occupation à laquelle ils font face est une occupation d'existence (en tout cas du point de vue israélien). "C'est soit eux soit nous": conclura-t-il. Sonya lui dira qu'elle a la haine. Faez lui répondra:
"Laisse la haine à ceux qui la méritent. Pleure plutôt comme un être humain. Tu ne mérites pas d'avoir de la haine dans ton coeur".Le lendemain matin, on se réveille à 4H pour manger un peu avant d'aller aux champs aider un peu Faez. Je m'en irai à 14H pour Naplouse. Là-bas, je revois Amjad, le pompier qui m'accueille très bien, me fait faire un tour en voiture avant d'aller couper le jeûne chez ses parents.Après le repas, nous sortons rejoindre la caserne des pompiers. En effet, Amjad est de garde et je vais passer la nuit dans la station. Au moment de sortir, Amjad reçoit un appel du Néguev. Son visage s'assombrit. Il décroche. C'est un ami à lui en prison. en fait, il parlera avec trois personnes en tout; chacune ayant pris 11, 8 et 4 ans de prison.son frère était dans cette prison aussi. Mais il ya quelques jours, ils l'ont transféré dans une prison plus isolée (pas de téléphone, ...) car son frère , comme il me le dira, est une tête dure. Il n'obéit pas et aurait crâché sur un soldat israélien. d'où son transfert. et c'est pourquoi ses amis lui téléphonent aujourd'hui: pour exprimer leur solidarité avec son frère!Amjad me dira: "il déteste les israéliens". Il a 23 ans. C'est le petit dernier de la famille. Durant cette nuit, il y aura une intervention à 3H45 du matin pour aller éteindre un petit incendie sur la colline. Je pars prier ensuite à la mosquée. en revenant, il est 5H30, je trouve les 3 pompiers de la station endormis. Je vais faire un tour sur les hauteurs. Je verrai deux postes militaires israéliens. Naplouse est censé être une zone libre. mais elle est surveillée de haut par israël qui compte construire toujours plus de colonies juives tout en matant les possibles mouvements de révoltes face à cette colonisation. "C'est eux ou nous". Les Palestiniens ne seront pas libres tant qu'ils n'accepteront pas de vivre dans des villes fermées (ça s'appelle des bantoustans) et entourées des seuls vrais propriétaires de cette région: les juifs du monde entier, ceux du 6ème arrondissement de Paris autant que ceux de ouagadougou!Je reviens à la station. Il est 6H30. je dois retourner à Jérusalem. Je réveille Amjad.. Il est triste. La veille, il m'avait expliqué qu'il avait enterré de ses propres mains 6 de ses meilleurs amis durant l'intifada II, et qu'il avait dû trouver les mots à chaque fois pour leur dire au revoir. c'est pour cela que depuis, il n'aime plus les "au revoir". Il y a 2 jours, Jean-Yves est retourné en France et aujourd'hui, c'est moi qui part.Son rêve est de voir la France. Mais il ne le fera pas tant que son petit frère est en prison. Au fait, savez-vous combien de temps il y reste? Eh bien, personne ne sait. Il est en détention administrative. cette détention est censée durait au maximum 6 mois.. Mais à chaque fin de période, Israël peut renouveler cette détention de 6 mois encore, et ce, sans aucune limite. cela fait 2 ans (ou 4 ans? j'ai un doute) que son frère est en détention administrative... je quitte Naplouse vers Jérusalem (...) Djamel "
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