13/08/2009

Les Palestiniens oubliés de la vallée du Jourdain


Voici une journée très très chaude dans la vallée du Jourdain. Nous passons rapidement par Jericho pour arriver dans un petit village sur flanc de montagne, qui reconstruit ses maisons démolies par les Israëliens avec l'aide de volontaires de Génération Palestine (18 maisons démolies en 3 ans). Fathy, notre partenaire, dont l'association supervise tous les projets de développement et de résistance à la colonisation de la Vallée, nous fait un panorama des lieux, le principal problème étant lié à l'eau évidemment, réquisitionnée par les plantations coloniales (il n'y a pas d'autre mot) gigantesques de la vallée.
Ici vivaient 200 000 Palestiniens, aujourd'hui après la Nakba il en reste 56 000 (la plupart se sont réfugiés en Jordanie, embarqués dans des camions-charters de force ou contraints pour des raisons économiques à s'y exiler). Ainsi ce sont 36 colonies qui se sont installées ici, soit 6000 colons. Plus de larges zones militarisées, notamment le long de la frontière avec la Jordanie.
Malgré son climat désertique, Israël a plusieurs enjeux dans cette région :

- le contrôle de l'eau dans la vallée pour l'agriculture (nappes sous-terraines riches)
- le contrôle de la frontière avec la Jordanie
- l'extension de Jérusalem-Est vers une scission de la Cisjordanie en 2
- le contrôle des réfugiés s'il y avait à les faire revenir

Les gens de cette vallée sont des paysans particulièrement pauvres. Certains travaillent actuellement dans les plantations des colons dans des conditions esclavagistes.

Les volontaires de GP travaillent sur le chantier tôt le matin et peu avant la tombée de la nuit pour éviter les grosses chaleurs. L'ambiance au village est à la bonne humeur, même si le gros groupe de Français que nous formons est un peu envahissant pour les familles qui nous accueillent sur leur chantier. Nous enjambons les briques et les mares de boue pour passer d'une "pièce" à l'autre.

Pour la première fois, nous sentons un décalage culturel important avec les Palestiniens. Ces gens de la montagne, au teint plus brun, nous accueillent avec simplicité et le sourire, mais semblent très décontenancés. Nous dormons à la belle étoile après avoir fait un petit tour sur le haut de la montagne, ce qui est très incongru pour nos hôtes : comment leur expliquer, eux qui se battent pour se recontruire un toit, que nous souhaitons ne pas en avoir un ce soir ?

Les avions militaires ont cessé de traverser le ciel dans un fracas à faire ébouler les montagnes, quand nous nous endormons...

***

Le lendemain, dimanche, nous faisons un tour en bus dans la Vallée pour voir de près les enjeux locaux. Nous passons devant les plantations de Jaffa et ses baraques en tôle pour les saisonniers. Ici les points d'eau délivrent 7m3 d'eau par heure pour 5000 Palestiniens. En roulant sur les routes qui séparent les terres arabes des terres occupées, nous nous rendons tout de suite compte de l'injustice : sur les terres arabes, les fils électriques et les tuyaux d'eau passent sans qu'ils puissent en bénéficier. De l'autre côté, c'est luxuriant. Les Israëliens visent 5 millions de palmiers en 2012.
Nous arrivons dans un village oublié que les Palestiniens ont décidé de reconstruire - en particulier son école - pour réclamer leur droit de vivre sur ces terres. Aujourd'hui l'école accueille 110 élèves. Fathy parle d'hypocrisie pour qualifier l'autorisation négociée entre l'autorité palestinienne et Israël pour construire cette école.
Un seul colon détient quelque part un énorme territoire et y détourne l'eau des Palestiniens.
Plus loin, les colons russes arborhent en bord de route le bulldozer, symbole de leur victoire colonisatrice.


Encore plus loin, un "village" de bédouins, les Palestiniens de tradition nomade qui vivent ici de l'élevage de dromadaires. Cette population particulièrement délaissée vit une situation impossible : habitués à aller de puits en puits avec leurs bêtes, les Israëliens les obligent maintenant à se sédentariser autour d'un unique point d'eau, très éloigné, où les dromadaires peuvent boire. Mais pas de permis de construire bien sûr. Les membres de leur tribu sont donc obligés de se séparer pour qu'une partie reste auprès des dromadaires pendant que l'autre vit dans des campements-village de fortune. Pour les bédouins, se sédentariser signifier renier leur culture. L'autorité palestinienne ne fait rien pour eux.
Fathy nous parle aussi d'un village qui, cas presque unique, a réussi à repousser l'avancée coloniale sur ses terres... mais nous n'avons pas le temps d'aller le voir, il nous faut retourner vers Jérusalem.

En soirée, nous retrouvons la fraîcheur de Jérusalem et la convivialité de notre QG à l'auberge de jeunesse.

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