21/08/2009

Les yeux dans les yeux


Pour ce dernier jour en Palestine-Israël, j'avais prévu d'aller visiter Jérusalem-Ouest, c'est-à-dire la partie proprement israélienne. Ville nouvelle très moderne, claire, propre, parée de nombreux monuments en tous genres financés je présume par de riches donateurs pour l'état sioniste. J'aurais pu visiter le mémorial de la Shoah, le beau parc, voir la Knesset ou tel ou tel musée. Mais le cœur n'y est pas. Il est hors de question que je donne un shekel à cela, et je ne veux pas voir cet étalement de richesse. Je vais juste à la Poste pour poster tous les objets compromettant que je ne peux pas passer à l'aéroport (carnet de notes, artisanat palestinien, photos...). Au bout de 3 trajets (j'ai aussi posté les colis de Leila qui préfère rester anonyme au maximum), l'homme qui me reçoit commence à me trouver sympathique. Il me fait comprendre qu'il vaut mieux coller l'étiquette du recommandé après avoir ficelé le colis. "C'est mieux pour vous", me dit-il, d'un air à ne pas vouloir en dire plus.
Sachant que les colis d'étrangers sont souvent contrôlés par les autorités israéliennes, je comprends que c'est une façon de l'éviter (si les douaniers ouvrent le paquet, ils déchirent forcément l'étiquette du recommandé). Il insiste aussi pour que j'envoie ma 2e enveloppe en recommandé "si vous avez des documents personnels".

Bref, mis à part cela, pas envie de trainer en Israël officiel, Djamel, Vincent et moi décidons de retourner à Ma'ssara pour la manifestation du vendredi. Nous passons par Béthleem, histoire de voir la fameuse Eglise de la Nativité, très achalandée de pélerins-touristes. On rentre par une petite porte appelée "porte de l'humilité" parce qu'elle oblige les gens à se pencher pour entrer. J'aime bien ce symbole, mais... je me faufile dans la petite pièce qui serait le vestige de la grotte de la naissance de Jésus. Difficile d'y voir autre chose que - Dieu me pardonne ! - les paires de fesses des gens qui se prosternent un à un juste dedant la cavité. Cela m'exaspère ! Puis visite rapide de l'église Ste-Catherine (que je préfère, plus lumineuse)

Voici que nous rejoignons Mohammed (notre hôte de la dernière fois) et Manuella (une échappée de la Mission qui prolonge son séjour à Ma'ssara) pour rejoindre le village. Mahmoud nous y accueille à nouveau puis part à la prière de la mosquée. Nous attendons dans la maison qui accueille les volontaires internationaux, et discutons avec deux Italiens embauchés par l'Alternative Information Center. Le prêche de la mosquée s'entend de loin, son ton est mobilisateur, voire véhément, il fait presque peur. J'apprends plus tard que l'objectif de ce prêche est de mobiliser les villageois pour la manif. Qui sera tout ce qu'il y a de plus pacifique d'ailleurs, rien à voir avec Bil'in.


Nous traversons une partie du village pour nous retrouver, un peu comme dans un western, sur une route au bout de laquelle une ligne de soldats nous attendant. Le Mur à cet endroit n'est pas encore construit, la ligne de démarcation n'est matérialisée que par la présence de ces soldats derrière un fil barbelé. Nous sommes au milieu du village !
Ils sont une quarantaine peut-être. Nous sommes moins nombreux (peu d'internationaux et d'Israëliens cette fois). Pendant que Mahmoud, qui n'a pas le droit de se montrer aux manifs, briefe les jeunes de loin, des enfants jouent au football devant les soldats... Puis nous avançons.

Une femme mène le cortège avec ses chansons, les slogans sont très déterminés. Des enfants portent des drapeaux de la Palestine et du Fatah et les agitent sous le nez des soldats. Ceux-ci sont relativement stoïcs, leur arme bien visible. Plusieurs nous prennent en photos. Les médias passent d'un angle de vue à l'autre... On sent que l'enjeu ici est éminemment symbolique et médiatique (une TV palestinienne est présente). Un pacifiste israëlien s'adresse aux soldats avec calme et permanence. Jeunes, la plupart baissent les yeux. Quand Mohammed s'adressera à d'autres soldats en hébreu, on pourra aussi distinguer dans le visage de certains la gêne d'entendre, la gêne de comprendre. Ce face à face, ces yeux dans les yeux, c'est bouleversant ! J'admire ces Palestiniens qui, malgré les humiliations constantes dont ils font l'objet, gardent encore cet espoir de s'adresser à l'humanité de leurs ennemis. Mohammed nous dira "en parlant leur langue, on peut les toucher".

Au retour de manif, Mohammed nous montre une famille du village, des juifs qui ont choisi d'être aux côtés des Palestiniens. Ils ne seraient qu'une soixantaine en Cisjordanie...

Nous parlons des activités de leur centre social et culturel, pour lequel ils comptent sur la présence de volontaires internationaux, que ce soit pour des activités humanitaires ou pour l'aspect politique (comme nous). "C'est important pour nous de faire des ponts" (... pas des murs [NDLR]). Notamment ils manquent de gens pour assurer leur communication via leur site web par ex., même depuis la France pourquoi pas (appel à volontaire !). L'idée émerge d'organiser des séjours lingustiques pour des étrangers (même non "militants") souhaitant apprendre l'arabe.
Nous posons encore quelques questions à Mahmoud. L'autorité palestinienne ? "Une ONG". Les drapeaux du Fatah dans la manif ? "C'est un truc d'adolescents, ça ne signifie rien. On n'a pas besoin de porter des couleurs, juste d'être là."

Au départ du cortège, un des hommes qui nous avaient accompagnés à Hébron la dernière fois, m'a reconnue "El Khalil !" Pour lui, je suis celle qui a déclenché l'affrontement avec les sionistes français à Hébron. Mohammed, lui, apprécie le foulard vert que je porte sur ma tête, façon pirate (pour la couleur ? pour le foulard ? pour la résistance ?). "Tu es Palestinienne." Ce "label" me va droit au coeur !


Amour & Soldats, mariage à Al Ma'sara vidéo de Sheryle C on Vimeo.

***

En rentrant à la maison, nous faisons un détour par un quartier de Jérusalem-Ouest et tombons sur un festival de rock (après avoir évidemment franchi une barrière de sécurité). Tout ce qu'il y a de plus occidental : tout le monde a entre 15 et 30 ans, toutes les filles sont en débardeurs très sexy, les hommes plus ou moins torses nus ont une bière à la main, la musique est à fond et il faut jouer des coudes pour se frayer un chemin. Mmmm, ça me manquait... vivement le retour dans la vieille ville !

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