18/08/2009

Savoir... agir... boycott 729 !


Chers amis fidèles lecteurs, j'espère que ce dernier témoignage répondra à une partie de vos attentes, car la dernière rencontre officielle de la Mission arrive à point pour conclure notre séjour de façon positive. En effet, nous avons rendez-vous à Ramallah avec les représentants de la campagne BDS : Boycott Désinvestissement Sanction.

Cette question du boycott nous préoccupe pas mal depuis le début de la Mission. Nous nous efforçons autant que possible d'éviter d'acheter des produits israéliens (reconnaissables au code barre qui commence toujours par 729). Mais nous en trouvons partout, même chez les petits commerçants des villages les plus mobilisés contre la colonisation.


La colonisation économique


En effet, pour les Palestiniens, le boycott n'est pas si simple car Israël a la main mise sur l'économie palestinienne de plusieurs façons. Je tente une petite synthèse :
  • tout simplement par la destruction des moyens de production et de commercialisation palestiniens : confiscation des terres, incendie et pollution volontaire des cultures, fermeture forcée des commerces...
  • par la confiscation pure et simple des ressources palestiniennes. A commencer par l'eau. En Palestine il n'y a pas d'eau palestinienne. L'eau en bouteille est toujours "made in Israël" et l'eau du robinet - comme nous l'avons vu lors de notre action "convoi d'eau" ou dans la vallée du Jourdain - est totalement contrôlée par les forces d'occupation. Paradoxe cruel, les Palestiniens payent le prix fort pour acheter leur propre eau aux forces occupantes.
  • par la création de situations de monopole pour des sociétés israëliennes, en cumulant des entraves administratives et douanières aux importations étrangères. Par ex. tous les produits d'équipement lourd sont obligatoirement importés d'Israël.
  • par le blocage des marchés intérieurs en Palestine (les denrées circulent difficilement d'une ville à l'autre de Cisjordanie, bloquées au check-point par l'occupation israëlienne)
  • enfin, un fort taux de taxations des importations étrangères permet de donner systématiquement le privilège aux produits israëliens (la Palestine servant de sas d'écoulement des marchandises de mauvaise qualité le cas échéant)
Dès lors, il est parfois impossible de trouver des alternatives commerciales aux produits israëliens. Pour moi par exemple qui adore le jus d'orange frais, je me suis contentée de jus en bouteille en provenance de Jordanie. Beaucoup moins bon mais... ça dépend de quel point de vue on se place !

Tous les leviers du boycott


Mais le boycott ne s'arrête pas à nos achats individuels. BDS reprend explicitement contre Israël la stratégie du boycott de l'Afrique du Sud qui avait eu un vrai effet sur le renversement du régime d'apartheid. Cette campagne est menée par la plateforme des ONG palestiniennes depuis 2005. Elle est soutenue par une très large majorité d'organisations palestiniennes (plus de 170), y compris les syndicats, et les organisations palestiniennes d'Israël (bien que l'économie palestinienne dépende énormément de celle d'Israël), ainsi que les organisations de réfugiés à l'étranger. Cette campagne revendique la fin de la colonisation et de l'occupation, la fin du système d'apartheid en Israël et la reconnaissance du droit au retour des réfugiés. Omar Barghouti, son directeur, insiste sur le fait que c'est une campagne qui repose donc sur le Droit, pas sur une prise de position politique (par ex. pas de prise de position pour 1 ou 2 état(s)...) et qu'il ne s'agit pas seulement d'un boycott économique, mais aussi institutionnel, politique, académique et culturel. De très nombreuses organisations de la société civile internationales soutiennent et relaient cet appel BDS, notamment en Occident.
- beaucoup de syndicats (notamment en Grande-Bretagne et au Canada, seulement la FSU en France - syndicat des enseignants) et même des confédérations syndicales
- des mouvements religieux également (United Church of Canada)
- des partis politiques (le Nouveau Parti Anticapitaliste en France)
- également des universités
- des artistes qui, suite à l'interpellation de BDS, ont décliné l'invitation de se produire en Israël : Bono, Bjorg, Smool Dog, J-Luc Godard...

Concernant le tourisme, Omar considère que le boycott de l'économie touristique israëlienne entre dans une démarche plus large de "tourisme éthique". BDS ne s'en prend pas au tourisme religieux, ni juif ni chrétien, à partir du moment où les choix d'hébergement, de restauration et de transport alimentent le moins possible l'économie israëlienne (évidemment ce n'est pas toujours évident de faire ces distinctions, mais en général en choisissant des lieux arabophones, ou des accueils religieux chrétiens, on est déjà sur la bonne voie)

Le boycott doit donc être sur tous les fronts, autant dans les actes institutionnels (pensons en France aux actions vis à vis du Salon du Livre ou de tout ce qui met Israël à l'honneur, mais aussi les coopération inter-universitaires...) que dans les actes individuels. Un des membres de notre mission, Djamel, en est un exemple courageux. Salarié chez Alstom il y a quelques années, il a un jour décidé de démissionner après avoir demandé des comptes à son entreprise. Sa lettre de démission, argumentée, ne faisait pas moins de... 135 pages ! Outre de lui avoir permis d'être en accord avec ses valeurs, espérons que ce geste aura titillé la conscience de ses collègues et des supérieurs hiérarchiques qui l'ont reçu successivement...

Si la majorité des Palestiniens supportent logiquement le boycott, c'est vrai que le boycott économique est plus difficile à suivre pour chacun au quotidien, un travail de sensibilisation des consommateurs et des commerçants palestiniens est fait en ce sens. Quant à l'Autorité palestinienne, elle n'a pas condamné le boycott et a même récemment soutenu celui des produits des colonies. Mais Omar précise bien : il ne s'agit pas d'un boycott social des "Israëliens", mais bien d'un boycott institutionnel de l'Etat d'"Israël"

En France

La campagne est relayée dans de nombreux pays par des collectifs qui choisissent chacun les cibles prioritaires de boycott en fonction des enjeux nationaux. Par exemple, en France, l'AFPS a porté plainte contre 2 entreprises bien de chez nous, VEOLIA et ALSTOM, pour leur collaboration dans la construction d'infrastructures coloniales en Palestine (par ex. le tramway dans Jerusalem-Est). L'AFPS s'appuie pour cela sur l'illégalité de ces infrastructures puisqu'une force occupante n'a pas le droit de construire quoi que ce soit en territoire occupé. Suite à cela, VEOLIA a perdu quand même 11 milliards d'euros de contrat (par exemple la Ville de Bordeaux a fait partie de ceux qui ont rompu leur contrat), et vient d'annoncer qu'ils vont peut-être se retirer du projet. Cela semble réalistement assez improbable, mais dans tous les cas ce sacré manque à gagner donne une bonne leçon à d'autres entreprises qui auraient aimé participer à ce genre de projet. ALSTOM, quant à elle, a été virée d'un fonds de pension suédois.



L'entreprise israëlienne AGREXCO (office national des exportations de produits frais d’Israël - par ex. la marque d'oranges JAFFA) est une autre cible du boycott en France : invitée par le Conseil régional Languedoc-Roussillon (Georges Frêche, vous vous souvenez ?) à s'implanter dans la région, 85 organisations françaises sont montées au créneau pour empêcher un tel projet. Or, les productions d'AGREXCO sont ni plus ni moins des plantations coloniales comme "au bon vieux temps", cumulant spoliation des terres, de l'eau pour irriguer, et exploitation de la main d'oeuvre locale (cf. récit sur la Vallée du Jourdain).
Autres cibles en France : les médicaments génériques TEVA et les produits cosmétiques de la Mer morte AHAVA, notamment commercialisés chez SEPHORA (voir articles et vidéos sur les opérations médiatiques récentes dans ces boutiques).



Omar nous dit aussi que les actions "coups de poings" organisées dans les hypermarchés comme Carrefour en France sont citées en exemple dans d'autres pays :



Notons aussi le boycott sportif, très prisé en Turquie où les équipes israëliennes n'ont pas droit de compétition.

Le boycott n'est pas un mode d'action très prisé en France, les ONG elles-mêmes y sont un peu frileuses. Pourtant, des jurisprudence ont retenu le droit au boycott dans le cadre de marchés publics par exemple (qui est très réglementé comme chacun sait), même si l'appel au boycott par des personnalités publiques est moins accepté. On nous explique que les entreprises de distribution, quant à elles, peuvent tout à fait légalement évoquer le principe de précaution pour boycotter les produits israëliens, étant donné que certains d'entre eux sont illégalement produits sur territoires colonisés, sans qu'on puisse savoir lesquels.


Omar Barghouti nous parlera également - encore - des méthodes d'apartheid par l'administration et la législation israëliennes. Car les lois elles-mêmes font la différence entre les Juifs et les non-Juifs. Israël n'accordant la nationalité israëlienne qu'aux Juifs (nationalité reconnaissant l'appartenance au fameux "peuple juif"), laquelle donne des droits particuliers, comme celui de propriété. La citoyenneté israëlienne, quant à elle (eh oui là-bas nationalité et citoyenneté sont deux notions disctinctes) est accordée aux arabes restés en Israël au moment de la création de l'Etat (même si toutes les occasions sont bonnes pour les en déchoir). Mais de fait les citoyens juifs et arabes ne sont pas traités de la même façon, la discrimination principale résidant dans tous les droits accordés spécifiquement aux Israëliens ayant fait leur service militaire, étant donné que les arabes - sauf exception - ne peuvent pas le faire (et ne le souhaitent pas, et pour cause !). Mais tout ceci est très compliqué, à vérifier et à approfondir...

Le boycott est un acte légal, à la portée de tous, et efficace, l'Afrique du Sud l'a prouvé. C'est un des seuls actes que les citoyens internationaux puissent faire pour faire contre-poids dans la balance très déséquilibrée de la Justice au Proche-Orient. Ne nous en privons pas ! Repérez sur les étiquettes : 729

Appel BDS :

"(...) Nous, représentants de la Société Civile Palestinienne, invitons les organisations des sociétés civiles internationales et les gens de conscience du monde entier à imposer de larges boycotts et à mettre en application des initiatives de retrait d’investissement contre Israel tels que ceux appliqués à l’Afrique du Sud à l’époque de l’Apartheid.
Nous faisons appel à vous pour faire pression sur vos Etats respectifs pour qu’ils appliquent des embargos et des sanctions contre Israël.
Nous invitons également les Israéliens honnêtes à soutenir cet appel, dans l’intérêt de la justice et d’une véritable paix.
Ces mesures punitives non-violentes devraient être maintenues jusqu’à ce qu’Israël honore son obligation de reconnaître le droit inaliénable des Palestiniens à l’autodétermination et respecte entièrement les préceptes du droit international en :
• 1. Mettant fin à son occupation et à sa colonisation de tous les terres Arabes et en démantelant le Mur
• 2. Reconnaissant les droits fondamentaux des citoyens Arabo-Palestiniens d’Israel à une égalité absolue ; et,
• 3. Respectant, protégeant et favorisant les droits des réfugiés palestiniens à revenir dans leurs maisons et propriétés comme stipulé dans la résolution 194 de l’ONU (...)"



***

Après cette rencontre très très intéressante, nous faisons le siège 20 minutes devant la Muqata (siège de l'autorité palestinienne), dans l'espoir d'obtenir une discussion avec un représentant quelconque, ou au moins de prendre quelques photos. Pas moyen. Bon bah on s'en va alors...

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