17/08/2009

Sheikh Jarrah 11 jours apres

Nous apprenons aujourd'hui qu'un homme a ete arrete par l'armee a Bil'in le jour meme de notre depart du village. Comme quoi, la presence des internationaux dans les villages n'est qu'un sursis pour la population palestinienne...

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La journée initialement prévue à Akka (St-Jean d'Acre) a été annulée. C'est dommage, mais la grasse matinée (limitée dans un dortoir) est la bienvenue ! Mais nous apprenons dans la journée qu'une contre-manif a lieu à Sheikh Jarrah, dans le quartier des 2 familles récemment expulsées que nous avions visitées lors des premiers jours de notre visite. Je laisse Leila raconter cela a ma place :

"Ce soir, lundi 17 août, nous sommes retournes dans le quartier de Sheikh Jarrah a Jérusalem est. Dans la journée, nous avons été informés qu’un rassemblement sioniste s’y déroulerait et qu’une contre manifestation aurait lieu. Nous avons rejoint cette dernière vers 18h.
La scène se déroule devant un hôtel abandonné (le Shepherd’s hotel) racheté dans les années 80 par le millionnaire américain Irving Moskowitz à l’Etat d’Israel, qui s’en était emparé à la suite de la guerre des 6 jours. Ce dernier a obtenu en juillet dernier l’autorisation de le détruire et d’y construire a la place une colonie de 20 logements. Colonie car nous sommes bien dans la partie "occupée" de la ville (Jerusalem est). Nous sommes en plein quartier palestinien, non loin des consulats et juste au-dessus des maisons d’où ont été récemment expulsées des familles palestiniennes. Les israéliens anticolonialistes, notamment ceux du mouvement "Peace now", organisateur de la manifestation, sont coinces entre des barrières métalliques et des barbelés,à droite de la sortie de l’hôtel.

En face, côté gauche, les sionistes israéliens sont aussi regroupés et arborent fièrement le drapeau israélien. Nous apprenons qu’a l’intérieur des grilles de l’hôtel, une sorte de "garden party" a lieu avec des politiciens et américains dont l’ancien gouverneur de l’Arkansas Mike Huckabee. Le tout reste assez bon enfant, les pacifistes respectant très sagement les consignes de la police. Certains Israéliens trouvent le mouvement trop mou, mais participent toutefois a ce rassemblement. Après que chacune des parties se soit dispersée dans le calme, nous partons rejoindre les familles expulsées de Sheikh Jarrah qui dorment toujours dans la rue face a leurs maisons. En chemin, nous discutons avec deux israéliens anarchistes. Pour eux, les enjeux du conflit ne sont pas idéologiques ou religieux, mais économiques, de très grosses sociétés israéliennes ou munltinationales tirant directement profit de la situation actuelle : les entreprises qui imposent leurs produits aux Gazaouis, celles de travaux public qui construisent les routes et infrastructures des colonies de Cisjordanie. Un autre enjeu du conflit, à creuser.
En approchant du carrefour où se trouvent les familles expulsées, nous assistons a un drôle de face a face nocturne. Au milieu de la route, sur une sorte de rond-point, des internationaux, dont une majorité de français, sont regroupés. Face a eux, de l’autre côté de la route, se tiennent quelques colons du quartier dont ceux qui ont récemment investis les maisons spoliées aux palestiniens. Chaque groupe conspue le camp d’en face et lance ses slogans. La foule grossit du côté des internationaux, auxquels nous nous joignons. Les familles expulsées restent a leur emplacement habituel, sur le trottoir, derrière les internationaux. Tout comme la plupart des Palestiniens présents. Pour eux, la situation est plus délicate car ils craignent que le moindre faux pas risque de compromettre leur démarche entamée auprès de la cour de justice israélienne pour faire valoir leur droit. Récemment, un premier recours a échoué. Un autre est en cours, mais on a du mal a y croire. La tension monte d’un cran quand la police et l’armée débarquent, après environ une demi heure de face a face colons-internationaux. Ca nous parait d’ailleurs surprenant qu’ils ne se soient pas pointés plus tôt. La suite est un peu confuse. Nous assistons a ce qui nous semble être une pseudo arrestation d’un colon, pour la forme. Certains dans notre groupe l’ont vu plaisanter avec un policier qui l’arrête. Entre temps, les internationaux ont reculé sous les ordres de la police, se confondant avec les Palestiniens qui se tenaient derrière en retrait. Quelques minutes plus tard, un policier se rue au milieu de la foule et c’est la grande bousculade. Difficile de savoir exactement ce qui s’est passé, plusieurs d’entre nous, pris dans la bousculade, n’ayant vu que des bribes de la scène. Selon certains témoins, le policier aurait voulu s’en prendre à une femme palestinienne qui l’aurait interpellé et en aurait été empêché par plusieurs personnes. Quoi qu’il en soit, il semble clair que le policier a fait une violente incursion dans la foule des Internationaux et des Palestiniens, s’en prenant particulièrement a l’un de ces derniers. Le policier veut l’arrêter mais la foule grossit autour d’eux pour l’en empêcher. Avec le renfort de soldats, il finissent par l’embarquer dans une voiture. Nous formons une chaine devant la voiture pour les retenir mais la voiture finit par se frayer son chemin. Les tensions se poursuivent. De nombreuses photos ont été prises et vidéos filmées lors de la scène d’hier soir. Nous décidons de quitter les lieux, pour éviter trop de surrenchère.
Notre sentiment est partagé. D’un côté nous avons le sentiment de soutenir les familles palestiniennes dans leur combat contre des expulsions arbitraires. De l’autre, nous craignons aussi que ce genre d’épisode leur crée d’autre problèmes une fois les internationaux partis. Nous posons la question à des membres de ces familles. Dans l’ensemble, ils nous disent soutenir ce type d’action, voire ils s’y joignent pour certains, bien que quelques femmes expriment des craintes de répression sur les familles.
Leïla"

Une scene marquante que cette foule de Palestiniens et d'internationaux qui tentent d'empecher ce Palestinien de se faire embarquer. La famille nous demande de repasser les voir le lendemain, ce que nous faisons :

"Nous retrouvons Nadia, expulsee de sa maison, toujours dehors. Nous apprenons que le jeune Maher (21 ans) qui a ete arrete hier a ete relache aujourd’hui, sans avoir ete questionne. Il risque une amende de 3000 sheckels (env. 600 euros) s’il est repris dans une manifestation. Apres explication, on nous confirme que Maher s’est interpose pour empecher le policier de s’en prendre a une jeune fille de la famille qui l’avait interpelle.
Je repose ma question a deux jeunes filles quant au bien fonde de l’action des internationaux. Leurs reponses me rassurent : " Que vous soyez la ou non, les Israeliens usent de violence avec nous. Votre presence nous encourage et nous esperons que vous raconterez chez vous ce qui se passe ici". L’une d’elle, qui parle couramment l’anglais, m’assure que les Palestiniens n’hesiteraient pas a nous prevenir si involontairement l’une de nos actions pouver leur causer plus de tort que de bien.


Leila"

Je profite de ce retour aupres des familles dont la situation nous avons tellement marques au debut de notre sejour, pour donner le foulard que maman m'a demande d'offrir a la mere de famille de la 1ere maison, Nadia. Son sourire fait plaisir, mais sa fatigue est incommensurable, elle m'avoue d'un air gene voir tellement de gens qu'elle ne se souvenait pas de moi, ce que je concois evidemment facilement. "tellement de gens" c'est bien, mais est-ce que ce sera suffisant ?


Je retourne voir aussi Jade, une petite fille du quartier qui habite la maison en face celle spoliee par les colons. Comme j'ai mis mon foulard sur la tete (contre le soleil) d'une certaine facon, elle croit que je suis juive et me regarde interloquee et un petit peu inquiete. J'enleve le foulard et elle me reconnait, et me sourit. Nous nous asseyons cote a cote et elle me gribouille des dessins sur les bras et les mains avec un gros feutre orange. Je lui demande si elle veut que je lui dessine quelque chose :
" une maison
_ quelle maison ?
_ ma maison."
Je fais alors semblant de regarder sa maison attentivement pour la dessiner tres grossierement entre son pouce et son majeur. Elle le regarde et me fait comprendre qu'il manque encore quelque chose. Alors elle prend le feutre et me dessine sur ma paume ce que je devine etre le portail de sa maison. Ce detail en dit beaucoup sur le sentiment d'insecurite qu'elle vit comme petite fille d'une ville colonisee. Enfin c'est ce que j'en comprends...

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